4 romans policiers belges (et quelques podcasts) à dévorer cet été sur la plage

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

C’est connu, la littérature policière se marie parfaitement à la langueur estivale. Or, cette année, plus que d’autres, la production belge n’est pas en reste: on pourra consommer local tout au long de l’été!

L’Expérience pentagrammede Yves Sente

Seuil (Verso), 480 p. 3,5/5

Une assistante médicale qui tente, en vain, de s’échapper d’un centre de recherche américain «quelque part entre l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le Mexique», visiblement top secret et chelou, une irruption solaire comme on en n’avait jamais vu, plein d’Américains qui se retrouvent presque malgré eux parmi… les expat’ de Waterloo, avec plein de traumas en commun, et une héroïne cheffe de sécurité d’une agence secrète du Pentagone qui va mettre de l’ordre et du liant dans tout ce foutoir… Pour son premier roman tenant du techno-thriller d’anticipation mainstream, le scénariste de Blake et Mortimer, XIII ou Thorgal se réfère autant à Edgar P. Jacobs qu’à Michael Crichton, et vise d’emblée le serial; cette «première enquête de Waya Wings» en appellera d’autres en cas de succès. Mais on ne sait si la butte du Lion fera encore partie du décor.

L’Assassin aime l’art décode Kate Milie

180° Editions, 170 p. 3,5/5

Tout est dans le titre: à Bruxelles en plein mois d’août, trois meurtres sont commis successivement à la basilique de Koekelberg, à l’hôtel Espérance et à Bozar. Ils ont en commun l’as d’un jeu de cartes déposé à coté des cadavres, mais aussi d’être trois hauts lieux de l’art déco. Un flic, un journaliste et une guide (qui a priori n’aime pas l’art déco!) vont sillonner la capitale, du café l’Archiduc à la Taverne du Passage en passant par le Verschueren, pour résoudre le mystère tout en donnant une belle leçon d’architecture et d’histoire. Entre Agatha Christie et le Guide bleu, cet Assassin aime l’art déco est déjà un classique, édité une première fois en 2012, réédité aujourd’hui, et devenu le best-seller de la spécialiste du genre (le roman policier belge francophone) –on lui doit entre autres Le Mystère Spilliaert, Bruxelles love ou Midi-minuit à Huy.

Emprisesde Salvatore Minni

Presses de la Cité, 256 p. 4/5

Catherine a cédé à l’empressement de Frédéric et l’épouse après quelques mois, contre l’avis de son frère et, surtout, avant que ne commence le confinement dû à la crise du Covid. Un enfermement qui va révéler toute la toxicité et la perversité narcissique du séduisant mari, entre tortures morales et maltraitances physiques. Le tout en gardant en tête ce prologue qui voit deux personnes en jeter une troisième au fond d’une rivière… Sur une thématique –les violences faites aux femmes– hélas très contemporaine, le bruxellois Salvatore Minni s’empare du «thriller domestique» à la manière d’une Barbara Abel pour en tirer un suspense psychologique de haute volée, très cinématographique et souvent irrespirable. Une réussite d’abord stylistique qui vaut à Emprises, son quatrième thriller d’être le premier à être édité directement en France.

La Fille dans la tourellede Line Alexandre

Weyrich, 216 p. 3,5/5

La collection «Noir corbeau» de chez Weyrich a pour ambition assumée d’associer l’universalité du genre roman noir et policier au localisme le plus belge; l’autrice Line Alexandre en est ainsi devenue une des valeurs sûres, avec des romans et des enquêtes (L’Enclos des fusillés, La Prophétie des nains) menées par un improbable trio (un flic, un ancien flic et une juge) sillonnant pour l’essentiel la province de Liège et l’Ardenne. A l’image de cette Fille dans la tourelle, retrouvée morte précisément sur la tourelle d’un des tanks du War Museum de Bastogne. Un féminicide ardennais et une mise en scène macabre qui en cacheront d’autres dans les travées du mémorial. Un War Museum que l’autrice a visiblement elle-même sillonné de long en large, chargé d’histoire, d’histoires et désormais de la sienne, machiavélique et teintée d’humour noir.

Du numérique pour s’y retrouver

Le plaisir de lire de la littérature policière s’accompagne pour beaucoup du plaisir d’en parler ou d’en entendre parler. Un phénomène bien connu des «clubs de lecteurs» qui s’offrent une deuxième jeunesse avec l’essor du numérique et des podcasts en particulier –sans même parler des «vlogs lecture» à l’intérêt très (très) aléatoire. Ces émissions audio disponibles d’un simple clic sont devenues légion. Parmi elles, les podcasts consacrés, en français, à la littérature noire sont nombreux. Beaucoup sont éphémères, le temps de quelques épisodes, tels les Polars à papa, mais d’autres, souvent liés à des stations de radio, s’installent dans le paysage, tel le Café polar hebdomadaire de RFI et Catherine Fruchon-Toussaint, ou le fameux Book Club de France Culture. Mais à notre connaissance, il n’y en a qu’un qui peut se targuer d’être totalement indépendant, de perdurer dans le temps et de désormais se consacrer exclusivement à la littérature noire et belge, à savoir l’Asphalt Jungle du journaliste Philippe Manche. A raison d’un podcast par mois, il va à la rencontre d’un auteur ou d’une autrice dont il aura disséqué la dernière parution, pour une discussion à bâtons rompus, détendue mais toujours très préparée. Asphalt Jungle accueille ainsi pour sa fournée de juillet Salvatore Minni et son Emprises (lire par ailleurs), après avoir déjà discuté le bout de gras avec Bruno Sanderling, Jérémie Claes, Kenan Gorgün, Caroline De Mulder, Clarence Pitz ou François Weerts. Un véritable panthéon du noir belge.

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