Le Roi Lear, un classique en version minimaliste mais lumineuse

« Lear est un objet magique de l’expérience de la folie, du désarroi, de la puissance de la démence. » C’est par ces mots que Tristan Bourbouze, directeur du Centre culturel d’Uccle (CCU), évoque la pièce qu’il accueille ces 9 et 10 décembre, dans les murs de l’institution bruxelloise qu’il pilote depuis 2019.

« Dans la première partie, c’est la reconstruction imaginaire de la déchéance, puis il y a quelque chose qui remonte. Et même si le propos est tragique, il y a de la lumière. Ce roi Lear n’est pas un person­nage aimable. On peut même dire que c’est un salaud. Mais il traverse quelque chose qui le transforme, de l’ordre de l’épurement, dans sa façon de se rendre transparent à lui-même. Ce n’est pas si fréquent, en littérature, ce parcours », pour­suit Tristan Bourbouze, déjà subjugué par ce texte lors de ses études de lettres, en France. Puis de pondérer : « C’est un texte compli­qué, tumultueux, long. Difficile à monter : j’ai vu beaucoup de mises en scène du texte ennuyeuses. »

Lumière crue

Le Lear qu’il propose à Uccle est donc choisi avec soin. Il est mis en scène par Georges Lavaudant qui, pour la troisième fois, affronte ce texte dément et démentiel. Lavaudant est metteur en scène de théâtre autant que d’opéra, ce qu’on comprend immédiate­ment au travail des lumières ; elles cisaillent la scène, les personnages, les tableaux. Tout dans cette mise en place de la tragédie, hors sa pein­ture lumineuse, est laissé au jeu des acteurs. Et quels acteurs ! C’est d’ailleurs par eux (ou plutôt par l’« acteur ») qu’a été fasciné Tristan Bourbouze lorsqu’il a choisi de mettre ce classique à sa program­mation. « J’ai rencontré Jacques Weber à l’occasion de la série En thérapie. Quel homme ! Quel comédien ! Incarner avec autant de beauté la fin d’un parcours qui se remet sur le tard en question… », s’enthousiasme-t-il. Car c’est de cela dont il est question dans Lear.

 Jacques Weber traverse la pièce comme un ténor, fou, fort et fragile. (c) Jean-Louis Fernandez

Perte et fracas

Petit rappel du pitch : Lear, roi vieillissant, veut partager son royaume en trois parts, pour ses trois filles. Pour savoir quelle part il donnera à laquelle d’entre elles, il demande à chacune de lui faire une déclaration d’amour filial. Sa préférée refuse. Toutes les trois mourront, Lear sombrera dans la folie. En marge, un autre père – ami de Lear – veut la mort du fils qu’il devrait aimer. Fidélité, amitié, amour, pitié, et tout le reste aussi : le théâtre-monde selon Shakespeare. C’est un peu court, certes, mais c’est globalement ça. Weber incarne donc le monarque absolu, dingue, fier. Lear. Il traverse la pièce comme un ténor, fou, fort et fra­gile. Mais, et la force de la pièce de Lavaudant est sans doute là – ou peut-être est-ce la force de l’acteur Weber ? –, les autres comédiens ne sont jamais évincés par lui. Au contraire, ils sont sublimes, eux aussi, de forces, contradictions et contrepoints.

On pourra s’attrister de la présentation d’une mise en scène très française, classieuse, lumi­neuse, propre, portée par des acteurs français, dans un paysage belge riche. Mais il faut conve­nir que ce théâtre est d’une force installée, et qu’il est parfois inté­ressant de regarder là pour nour­rir son regard de spectateur.

Le Roi Lear, au Centre culturel d’Uccle, les 9 et 10 décembre.

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