Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

TOUTES LES CHAPELLES SE SONT EMPARÉES DU PRINCIPE, MAIS TOUTES TÂTONNENT ENCORE SUR LA MANIÈRE: LE BD REPORTAGE SE TEINTE SOUVENT D’EGO.

Les Larmes du seigneur afghan

DE PASCALE BOURGAUX, ZABUS ET CAMPI, ÉDITIONS DUPUIS.

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Il suffit parfois de peu de choses pour faire évaluer les mentalités, et faire par exemple de la bande dessinée un sujet de recherche universitaire. Ce peu de choses tient dans le réel: depuis que la bande dessinée délaisse de plus en plus la fiction pour traiter de véritables sujets d’actualité, celle-ci semble sortir du ghetto culturel ou intello à laquelle elle est parfois condamnée. Ce principe de BD reportage lui a en tout cas ouvert la semaine dernière les portes de l’UCL pour une journée de colloque organisée par l’Observatoire de Recherche sur les Médias et le journalisme (ORM), lequel intègre donc désormais la bande dessinée comme un véritable vecteur d’infos, avec ses particularités, entre autres auteuristes. Un simple regard sur les sorties du moment suffit à s’en convaincre: le BD reportage s’étend, et s’exprime sous bien des formes. Mais pas toutes convaincantes. On l’a déjà écrit ici, La Revue dessinée s’est, elle, affirmée dès son premier numéro comme une référence en la matière. Ce nouveau « mook » français, à la croisée du livre qui se conserve et du magazine qui se lit, a imposé un haut degré de qualité, tant sur le plan graphique qu’informatif, et 100 % BD, aux reportages, dossiers et documentaires qui le composent. On retiendra ainsi dans ce dernier numéro, certes un peu moins « chaud », les formidables 40 pages de Marie Gloris et Rica sur l’histoire de la guillotine, ou le reportage en live de Julien Solé parmi les cadres du FN. Fort et plus « sérieux » qu’un gag dans Fluide Glacial, mais où aussi, encore et surtout, l’auteur se met en scène. Un « ego trip » qui se généralise, et une des grandes particularités de ce journalisme-là. Parfois jusqu’à l’excès.

Moi et les autres

Aux Impressions Nouvelles, éditeur qu’on a connu moins réactif aux modes, la jeune Aurélia Aurita apporte sa pierre au genre avec Lap!, récit « au croisement du reportage, de l’observation participante et de l’autobiographie » d’une année passée dans un lycée autogéré de Paris. Un « roman d’apprentissage » qui finit surtout par parler de son auteure, sur 150 pages répétitives et trop longues… Même écueil dans un registre plus classique et en couleurs, à paraître en mai chez Dupuis: la journaliste et grand reporter Pascale Bourgaux co-scénarise dans Les Larmes du seigneur afghan un véritable documentaire dessiné (joliment par Campi), sur les réalités de l’Afghanistan d’aujourd’hui, un terrain qu’elle connaît plus que bien. Mais pour lequel elle met principalement en scène… Pascale Bourgaux, et ce presque à chaque case.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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