Critique | Livres

Le livre de la semaine: Le Contrat Salinger, de Adam Langer

Adam Langer © DR
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Un écrivain en perte de vitesse se voit proposer d’écrire un livre en un seul exemplaire et pour un seul lecteur. Le début d’un vertigineux thriller.

Fan de romans policiers et de littérature essentiellement américaine? Pourtant, on est certain que vous n’avez jamais lu Plus puissant qu’un fusil de Norman Mailer, L’Echappé de Varsovie de Jaroslav Dudek, ou même Le Verre manquant du mythique J.D. Salinger, auteur du fameux L’Attrape-coeurs. Inutile pourtant de vous précipiter en librairie et même -même!- sur Amazon: ces livres-là n’existent que dans la bibliothèque du millionnaire Dex Dunford (et surtout dans le dernier roman de l’Américain Adam Langer), un millionnaire qui s’est bâti une étrange collection, au coeur du très étonnant Contrat Salinger: des livres écrits rien que pour lui, sur commande, en un seul exemplaire, et seulement lus par lui -et, parfois, par son garde du corps. « Un livre qui n’aura qu’un seul lecteur. N’est-ce pas ce que n’importe qui voudrait se payer, s’il en avait les moyens? » C’est en tout cas l’étrange histoire qu’un auteur de thrillers en perte de vitesse raconte à un écrivain lui-même en panne d’inspiration, et véritable héros de ce Contrat jubilatoire et surprenant jusque dans sa construction, puisqu’il se nomme… Adam Langer, comme l’auteur de ce Contrat.

Thriller gigogne

Le livre de la semaine: Le Contrat Salinger, de Adam Langer

Norman Mailer, J.D. Salinger, Truman Capote, mais aussi Thomas Pynchon, Saul Bellow, John Updike, Harper Lee… Le premier roman de Adam Langer aux éditions Super 8 après six romans aux Etats-Unis et Les Voleurs de Manhattan, édité chez Gallmeister, qui s’en prenait déjà aux moeurs littéraires made in US, est d’abord une formidable déclaration d’amour aux écrivains, puis à ceux qui les lisent, jouant sur un sentiment partagé presque par tous: « Nous projetons tous nos propres inspirations sur nos écrivains préférés. Que l’auteur nous parle à nous, qu’il n’écrive que pour nous. Que nous soyons seuls sur terre à entretenir un tel lien avec lui. » Or, si l’idée d’un collectionneur de livres uniques est évidemment excitante, Langer ne s’en contente pas: il l’intègre dans un roman gigogne qui se joue des rapports entre réalité et fiction, du nom et du CV de son narrateur en passant par les romans et romanciers cités (J.D. Salinger n’a effectivement rien écrit pendant 40 ans, on sait désormais pourquoi), jusqu’aux citations d’ouverture, tirées en partie de ces livres qui n’existent pas. Un jeu du chat, de la souris, du lecteur et de l’abîme qui s’étiole, hélas, sur la longueur. Son brillant roman psychologique retombe au final dans les clichés du thriller très classique -notre millionnaire n’aime que les romans policiers et les récits de crimes parfaits… Tout ça pour ça.

THRILLER DE ADAM LANGER, ÉDITIONS SUPER 8, TRADUIT DE L’ANGLAIS (USA) PAR ÉMILIE DIDIER, 460 PAGES.

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