Critique

[le film de la semaine] Minari, une véritable petite merveille

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Cinéaste indépendant américain d’origine sud-coréenne, Lee Isaac Chung filme avec une extrême délicatesse l’histoire d’un difficile réenracinement.

Plante asiatique s’apparentant à une espèce de céleri d’eau, le minari peut pousser n’importe où et est connu pour ses propriétés curatives. De lui, on dit qu’il se développe toujours mieux dans sa deuxième année, après avoir connu une première petite mort. Il sert de métaphore limpide traversant, en filigrane, l’ensemble du nouveau long métrage de Lee Isaac Chung (Munyurangabo), cinéaste indépendant américain d’origine sud-coréenne. Le film, en effet, ne raconte au fond rien d’autre qu’une histoire de déracinement, et la quête d’un hypothétique remède à la blessure intérieure que ce dernier peut parfois engendrer.

Chronique rurale d’inspiration ouvertement autobiographique et envisagée à hauteur d’enfant, Minari observe l’inexorable délitement du rêve américain que nourrit une famille d’immigrants coréens venue s’installer en Arkansas pour y cultiver la terre au début des années 80. Mais c’est un sentiment d’espoir fragile qui domine dans le regard rempli de douceur de son réalisateur. Pourtant, rien n’est simple pour les parents, Jacob et Monica Yi, qui travaillent comme sexeurs de poussins à l’usine, emploi peu gratifiant consistant à trier les animaux en fonction de leur sexe, quand ils ne s’acharnent pas à tenter de faire pousser à la ferme des fruits et légumes de leur pays natal pour les vendre au plus offrant. Rythmée par une intégration difficile et leurs disputes incessantes, leur existence est aussi caractérisée par l’inquiétude qu’alimente chez eux le jeune David, fiston incontinent qui rejette sa grand-mère lunatique et ne peut pas faire beaucoup d’efforts à cause de son coeur fragile…

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Nouveau départ

Triomphateur de la grand-messe indépendante de Sundance en 2020 et Golden Globe du meilleur film en langue étrangère en février dernier, Minari prend le temps de poser ses situations et ses personnages sans jamais rien sacrifier à l’art équilibriste de la nuance -on s’attache à eux petit à petit, presque sans s’en rendre compte. Récit patient, antispectaculaire au possible, d’un nouvel élan qui peine à se manifester, ce drame intimiste baigné de lumière naturelle n’a pas son pareil pour capter les toutes petites joies du quotidien comme la lourdeur et le malaise d’une vie de couple arrivée en bout de course -toutes émotions idéalement soulignées par la partition sensible du jeune compositeur californien Emile Mosseri.

Attentif aux détails et trouvant dans sa limpide épure filmique matière à mieux épouser les discrets frémissements de la vie, Lee Isaac Chung livre ainsi, sans même parfois avoir l’air d’y toucher, une profonde réflexion identitaire dont se dégage un délicat sentiment d’harmonie. Il pose aussi avec énormément de justesse et d’acuité la question du succès et de l’échec. Qu’est-ce que réussir une vie? À quel prix? Une véritable petite merveille qui confine à l’universel.

Minari

Drame. De Lee Isaac Chung. Avec Steven Yeun, Han Ye-ri, Alan Kim. 1h55. Sortie: 30/06. ****

[le film de la semaine] Minari, une véritable petite merveille

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