Critique

[Le film de la semaine] American Honey, d’Andrea Arnold

American Honey, d'Andrea Arnold © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

ROAD MOVIE | Pour son premier film américain, Andrea Arnold s’est inspiré du quotidien de démarcheurs tentant de vendre des magazines au porte-à-porte. Fort.

Pour son premier film américain, la réalisatrice anglaise Andrea Arnold (Fish Tank, Wuthering Heights) s’est inspirée d’un article du New York Times retraçant le quotidien de démarcheurs tentant de vendre des magazines au porte-à-porte; jeunes gens livrés aux aléas d’une existence nomade que l’on pourrait croire issus d’une époque révolue, n’était leur mode de vie. Prenant la route à son tour en compagnie d’une troupe composée pour l’essentiel de non-professionnels, elle y a puisé la sève d’une oeuvre d’exception. American Honey est une expérience viscérale comme le cinéma n’en procure guère en effet, plongeant le spectateur au coeur d’un road trip sous haute énergie balayant l’immensité du Midwest dans le sillage d’une « mag crew ».

[Le film de la semaine] American Honey, d'Andrea Arnold

Le film s’ouvre alors que Star (Sasha Lane, une débutante au charisme inouï), une adolescente au présent et au futur incertains, décide, au hasard d’une rencontre avec Jake (Shia LaBeouf), de quitter sa famille dysfonctionnelle pour rejoindre une petite tribu de vendeurs évoluant à l’échelle du Midwest. De motels borgnes en aires pour routiers, il y a là une vie itinérante et précaire avec ses rituels -les soirées arrosées, les combats entre les démarcheurs les plus poissards de la semaine…- en contrepoint d’un travail difficile voire dangereux. Un univers où Star, cornaquée par Jake, trouve rapidement ses marques, en dépit de l’hostilité affichée de Krystal (Riley Keough), la jeune femme régnant d’une main de fer sur la bande…

Road movie à la vibration adolescente (on pense au cinéma d’un Van Sant période Paranoid Park) adoptant la forme d’une errance circulaire, American Honey laisse parfois sa tension dramatique se distendre. L’incroyable énergie du film, tourné caméra à l’épaule, et que souligne une bande-son omniprésente où Kevin Gates côtoie Bruce Springsteen, Juicy J les Dead Kennedys, compense toutefois largement, au même titre que l’enivrant parfum de liberté qu’il exhale. Au-delà de celui d’une sous-culture fascinante, Arnold esquisse, au gré des rencontres et temps de suspension, le portrait en creux de l’Amérique contemporaine, dans un rêve voilé d’amertume. Perspective trouvant, par la grâce d’une mise en scène immersive combinée à un rapport souverain à l’espace -déjà présent dans Fish Tank et Wuthering Heights- et à la sublime photographie de Robbie Ryan, des contours d’une ravageuse beauté. Fort.

D’ANDREA ARNOLD. AVEC SASHA LANE, SHIA LABEOUF, RILEY KEOUGH. 2H43. SORTIE: 08/02. ****(*)

>> Lire également nos interviews d’Andrea Arnold et Sasha Lane.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content