Joely Mbundu : « J’étais submergée par la trajectoire de Tori et Lokita »
La jeune comédienne belge est l’impressionnante Lokita, nouvelle étoile de la galaxie cinématographique de Luc et Jean-Pierre Dardenne.
Rencontrer Joely Mbundu demande un petit temps d’adaptation, celui nécessaire pour faire coïncider la jeune fille pétillante qui se trouve devant nous, et l’héroïne sacrificielle du dernier film de Luc et Jean-Pierre Dardenne. “Dans la vie, je souris tout le temps, je suis pleine de joie. Ce n’est pas forcément quelque chose que j’ai pu offrir à Lokita, sauf quand elle est avec Tori.”
Et c’est vrai. Joely Mbundu irradie la joie. La joie d’être ici, dans cette chambre d’hôtel ce jour-là, pour donner des interviews pour la promo de Tori et Lokita. La joie d’avoir rencontré les frères Dardenne qu’elle ne connaissait pas. La joie d’avoir commencé à réaliser son rêve, derrière lequel elle courait depuis trois ans. La joie d’avoir 17 ans quelques jours plus tard.
Elle a l’énergie, l’enthousiasme, l’envie de son jeune âge, et l’infini des possibles qui va avec. “Plus tard, dit-elle, j’aimerais faire d’autres longs métrages, tourner dans une série… Enfin non, dans plusieurs séries, pourquoi une seule?” Avec l’irrévérence des jeunes filles, pour citer Lola Lafon, elle ose rêver en grand, avec une spontanéité communicative.
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Et pour cause, son arrivée sous les projecteurs ressemble non pas à un conte de fées, mais plutôt au résultat combiné d’une volonté affirmée et d’une persévérance sereine. “Il y a trois ans, j’ai rencontré une jeune femme qui étudiait le cinéma et cherchait des comédiens et des comédiennes pour son film de fin d’études. Je me suis proposée, ça a bien fonctionné, et nous sommes devenues amies. Au fond de moi, je savais que je voulais être sur scène, danser, chanter, ou jouer, mais je ne savais pas vraiment quelle forme ça allait prendre. Elle m’a ouvert les yeux, et elle m’a motivée et soutenue. Pendant des mois et des mois, j’ai épluché les annonces de casting avec elle, j’ai envoyé des dizaines de mails, de messages, sans succès, jusqu’à ce qu’elle tombe sur l’annonce pour le film des frères Dardenne.”
Poursuivre ses rêves
Joely ne connaît pas les maîtres du cinéma belge. Elle se présente au casting, bien décidée à ne pas laisser son rêve s’échapper, et surtout, à apprendre un maximum de cette première expérience avec le monde professionnel du cinéma. “Même si je stressais à mort, j’étais entièrement présente, je me disais que même si je n’avais pas le rôle, chaque non est un nouveau pas vers un oui!” Ce n’est que quand elle est rappelée qu’elle informe sa mère, qui lui fait prendre conscience de ce que représente cette opportunité. Elle enchaîne alors un deuxième, puis un troisième casting, avant d’apprendre qu’elle a été choisie. “C’était le plus beau jour de ma vie! J’ai reçu le scénario, et j’ai passé toute la nuit à le lire. J’étais submergée par les émotions, par la trajectoire de Tori et Lokita.”
Elle découvre petit à petit la réalité d’un tournage, enchaîne les répétitions avec les frères, avec, sans le scénario, puis devant la caméra, en plateau fermé. Elle travaille pour entrer dans l’esprit du personnage, “pour trouver le rythme, s’imprégner de l’histoire, des lieux, un peu comme une chorégraphie qu’on répète jusqu’à ce qu’on arrive à bien la danser”. Forcément, c’est un rôle de composition pour la jeune étudiante de Ganshoren. Dans le film, elle incarne une jeune fille mandatée par sa famille pour gagner de l’argent en Europe, forcée à l’exil, et qui trouve sur son chemin un jeune garçon avec lequel elle développe une amitié salvatrice qui leur permet d’affronter les violences dont ils sont victimes. “Lokita est une résistante. Sa vie est un cycle infernal qu’elle affronte sans jamais se plaindre. On lui marche dessus, mais elle reste debout. Elle s’accroche à ses rêves, une vie simple où elle serait aide-ménagère, et où Tori pourrait aller à l’école. J’ai essayé de lui donner un peu de ma sensibilité.”
Hériter d’une partition aussi âpre pour un premier rôle, c’est à la fois un cadeau et un sacré défi. “J’ai dû apprendre à canaliser mon stress. Je suis quelqu’un d’assez anxieux, j’avais toujours peur de mal faire, et qu’on ne me le dise pas. Mais j’ai trouvé comment utiliser ce stress, en faire une force pour servir les émotions de Lokita.” Quand on lui demande comment s’est passé le tournage, Joely en retient surtout l’atmosphère chaleureuse, la relation nouée avec les frères et le reste de l’équipe. Le plus dur? “Quitter le plateau. C’était comme quitter une famille! Je voudrais faire ça toute ma vie, je crois. J’étais tellement heureuse de retrouver toute l’équipe à Cannes, sur le tapis rouge, d’être entourée par Luc, Jean-Pierre, Pablo (Schils, qui joue Tori dans le film, NDLR). J’avais des étoiles dans le cœur et dans les yeux.”
Mais les paillettes ne l’empêchent pas de saisir l’importance politique du film. “Scientia potentia est, le savoir, c’est le pouvoir. Le simple fait de voir le film donne un pouvoir au spectateur, invité ensuite à faire entendre sa voix sur la question brûlante de l’accueil des MENA (mineurs étrangers non accompagnés).”
Et comment voit-elle l’avenir, cette fan de Denzel Washington, Marion Cotillard, Taraji P. Henson et Robert Downey Jr.? “Je vais m’inscrire dans une école de cinéma, j’espère en faire mon métier, trouver un agent en France, puis à Londres.” Pour jouer dans un Marvel, dont elle nous a confié être amatrice? “Oui, ce serait drôle, enfin, surtout pour mes amis. Ce sont eux qui me rêvent en héroïne Marvel.” En attendant, elle sera la super-héroïne de cette rentrée cinéma, prêtant sa présence et son opiniâtreté à l’importante Lokita.
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