Critique | Expos

Thierry De Cordier peint le “rien” libre et conscient

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© thierry de cordier
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Titre - Passe-montagne

Mise en scène - Thierry De Cordier

Date - Jusqu’au 14/10/2023

Lieu - À la galerie Xavier Hufkens, Bruxelles

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Si les galeries d’art sont de formidables caisses de résonance pour les artistes, elles constituent également, sans doute à leur corps défendant, un rouage efficace du néolibéralisme. Que veut celui-ci? Gilles Deleuze le résume à la perfection: l’expression permanente du désir, même quand on n’a rien à dire. La conséquence directe de cette prolifération des représentations étant l’anesthésie du sens, son recouvrement incessant sous le tout et le n’importe quoi. En raison de cette injonction à produire à un rythme annuel, la plupart des plasticiens passent à côté de “cette chose rare et toujours plus rare”: donner à voir ce qui vaut la peine d’être montré. Après une absence de douze années à la galerie Xavier Hufkens, le moins que l’on puisse dire c’est que Thierry De Cordier (Renaix, 1954) résiste à la tyrannie de l’occupation du terrain médiatique. C’est d’autant plus vrai que, adulé pour ses marines et ses paysages, l’homme revient sur le devant de la scène en faisant l’économie de ce type d’images -à l’exception de deux manières de cartes postales laissant entrevoir vagues et sommets.

En lieu et place, De Cordier signe un show déceptif pour qui ne saurait pas regarder (et y verrait les élucubrations d’une sorte de Ben Vautier sous anxiolytique). Cette parousie prend une forme essentiellement scripturale, même si elle se fait aussi sculpturale par moments. L’intéressé y joue les “deus absconditus” -il est à la fois partout et nulle part- en se manifestant à travers un évangile calligraphique au chromatisme bleu nuit. Cette théologie négative a pour point de départ un épisode biographique ancien. En 1983, tel le Zarathoustra de Nietzsche, De Cordier, qui se disperse en une série de petits métiers, part dans la montagne avec le projet d’y devenir peintre. Avorté, le séjour produira néanmoins l’étincelle qui mettra le feu aux poudres artistiques. “Je ne suis rien”, consigne-t-il sur une toile perforée. Ce “rien” libre et conscient est beaucoup pour nous.

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