La Fondation Folon accueille jusqu’à la fin de l’été Drawing Room, une expo de «dessins d’humour» inclassables mais représentés par douze de leurs plus illustres créateurs. Plus Folon, évidemment.
«Je crois que la seule manière de définir le dessin d’humour, c’est de définir ce qu’il n’est pas. Ce n’est pas de la bande dessinée, ce n’est pas de la caricature, ce n’est pas du dessin de presse ou d’actualité, ce n’est pas du « gag » non plus. C’est ce que j’appelle un « dessin d’idées ».» Isabelle Douillet-de Pange, curatrice à la Fondation Folon et cocommissaire de cette formidable exposition Drawing Room avec la galeriste et veuve de Sempé, Martine Gossieaux, sait visiblement de quoi elle parle: c’est elle qui a, en grande partie, choisi les artistes et leurs dessins –plus de 150– présents ici, et qui consulte quotidiennement les «dessins d’idées» de Folon –dans les années 1950, ce dernier, avant de devenir le peintre et sculpteur que tout le monde connaît, en avait réalisé des centaines. «Lui, il disait qu’un dessin d’humour « manque de complaisance à parler tragiquement de choses tragiques ». Cette exposition en est, je crois, une belle illustration.»
«Politesse du désespoir»
On confirme: passé le plaisir fou de s’arrêter devant des dessins de Steinberg, Chaval, Sempé, Savignac, Bosc, Glaser ou Topor, on se met rapidement à chercher les points communs, outre Folon, qui relient tous ces artistes, très différents dans leurs manières. Tous sont, de fait, habités par cette «politesse du désespoir» qui leur fait mettre des rires, des sourires ou de la poésie sur des drames ou des angoisses. Un mélange de beauté, de drôlerie et de gravité, pour des œuvres «qui restent encore trop souvent dans l’angle mort de l’histoire de l’art».
L’occasion est donc unique: de tels dessins, souvent réalisés sur du papier, par essence fragile, trouvent peu d’espaces d’exposition. L’écrin de la Fondation, nichée dans le domaine régional Solvay, s’y prête parfaitement. On y a déjà vu les meilleures expositions de dessins de ces dernières années (successivement Peyo, Sempé ou Ungerer), et celle-ci ne déroge pas à la règle: l’inventivité et la finesse de Steinberg, les affiches de Savignac, la cruauté de Ronald Searle, la férocité de Chaval, la «ligne claire» de Bara, la douceur de Sempé, le minimalisme brutal de Bosc…
Le dessin d’humour, tout en économie de moyens, fut vraiment à ses sommets jusqu’aux années 1960. Drawing Room permet également de redécouvrir l’écriture de Folon, ce grand épistolaire, qui tenait à échanger avec les dessinateurs qu’il aimait, et ici représentés (on peut y voir aussi des œuvres à quatre mains): «Je ne peux pas dire que quelqu’un m’a influencé. Parce que tout le monde m’a influencé. Je crois qu’il suffit de dessiner une ligne noire sur du papier blanc. Il y a dans cette ligne tout ce que vous avez accepté et tout ce que vous avez refusé.»
Drawing Room
Jusqu’au 31 août à la Fondation Folon, à La Hulpe.
La cote de Focus: 4,5/5