Le Pop Art, aussi une aventure belge

Crazy Horse, 1968. Fou de cinéma, de musique et de romans noirs en provenance des États-Unis, Guy Peellaert (1934‑2008), dont on connaît les collaborations avec Bowie ou Scorsese, ne pouvait pas rater le train du Pop Art. © GUY PEELLAERT
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Galeriste et collectionneur insatiable dont le patrimoine est estimé à plus de 10 000 œuvres, Maurice Verbaet consacre une exposition-vente à une production peu montrée: le Pop Art made in Belgium.

Au début des années 50, alors que personne ne songe à utiliser l’appellation “Pop Art”, Robert Rauschenberg et Jasper Johns croisent leurs pratiques. Le marché, qui a les yeux rivé sur l’expressionisme abstrait, ne comprend rien à ce bidouillage extrayant objets, images et formes du quotidien le plus trivial. Cette façon d’estomper les frontières entre art et culture populaire -elle doit beaucoup à Marcel Duchamp ou Kurt Schwitters- va changer la face des arts plastiques pour toujours en déferlant sur les États-Unis à partir de 1962. La trame? Certes “Benday” pour Roy Lichtenstein… mais au-delà le mouvement se caractérise par une fascination pour l’entourage le plus immédiat et une facture la plus neutre possible en rupture totale avec l’expressionisme abstrait. Pourtant, c’est bien de ce dernier qu’elle tient son intérêt pour la vie quotidienne, du vêtement à la ville, en passant par le corps.

Untitled. Si l’on connaît Hugo Claus (1929‑2008) davantage pour sa production littéraire et ses films, il ne faut pas pour autant passer sous silence ses œuvres plastiques, notamment ses collages marqués par l’humour.
Untitled. Si l’on connaît Hugo Claus (1929‑2008) davantage pour sa production littéraire et ses films, il ne faut pas pour autant passer sous silence ses œuvres plastiques, notamment ses collages marqués par l’humour. © HUGO CLAUS

Dans la foulée des States, l’épidémie plastique atteint l’Europe. Bien sûr, la Belgique n’échappe pas au phénomène. Toutefois, à l’écart de l’axe Paris-New York, le Plat Pays marque une distance vis-à-vis du phénomène. Le coup de foudre est de courte durée. Comme l’écrit Carl Jacobs dans le catalogue accompagnant une exposition sur le sujet à l’ING Art Center: “En Belgique, cet art novateur sera le bienvenu, mais aussi et surtout un moment de transition entre un monde en perte de vitesse -le surréalisme, l’abstraction et l’expressionnisme flamand- et l’art conceptuel qui s’imposera à partir des années 1970.” Malgré son caractère éphémère, cette parenthèse désenchantée -il faut entendre par là le consentement cynique vis-à-vis du capitalisme triomphant- ne va pas manquer d’engendrer une production significative. Maurice Verbaet l’a bien compris, lui qui donne aujourd’hui à voir les œuvres d’une vingtaine d’artistes. “Nous avons fait le choix de présenter au public des œuvres fortes qui tiennent absolument la route par rapport à celles produites à l’étranger dans les mêmes années. Des artistes connus, et certes parfois méconnus, mais des œuvres importantes et plaisantes”, fait-il remarquer.

Portrait de la dame aux yeux bleus, 1970. Figure de proue féminine du Pop Art en Belgique, Evelyne Axell (1935‑1972) a connu un retour en grâce tardif, une trentaine d’années après son décès prématuré dans un accident de voiture. © EVELYNE AXELL
Ffc 14, 1971. Guy Baekelmans (1940) a développé une œuvre basée sur la géométrie, on parle à son propos de “constructivisme dynamique”. Ses débuts n’en ont pas moins été marqués par l’art pop.
Ffc 14, 1971. Guy Baekelmans (1940) a développé une œuvre basée sur la géométrie, on parle à son propos de “constructivisme dynamique”. Ses débuts n’en ont pas moins été marqués par l’art pop. © GUY BAEKELMANS
Ouvrier des routes, 1974. Moins connu, le Namurois Louis-Marie Londot (1924‑2010) s’est servi du Pop Art comme d’une bouée de secours. Ce mouvement a été pour lui l’occasion de revenir à la figuration et de s’adresser à un public plus large.
Ouvrier des routes, 1974. Moins connu, le Namurois Louis-Marie Londot (1924‑2010) s’est servi du Pop Art comme d’une bouée de secours. Ce mouvement a été pour lui l’occasion de revenir à la figuration et de s’adresser à un public plus large. © LOUIS-MARIE LONDOT

À la Maurice Verbaet Gallery, Knokke. Jusqu’au 01/10. www.verbaet.com

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