L’art avant-après (1/6): la Création d’Adam
Durant tout l’été, l’art contemporain remixe les maîtres de la peinture.
Gustave Courbet, Lucas Cranach, Théodore Géricault… Cela fait un moment que Jean-Luc Moerman (1967, Bruxelles) revisite les tableaux des maîtres anciens – il se met à tatouer ces chefs-d’œuvre du patrimoine de l’humanité à la fin des années 1990. Cinq cent dix ans très exactement après que Michel-Ange a posé le dernier coup de pinceau à la voûte du plafond de la chapelle Sixtine, l’artiste belge vient tout juste de parachever sa version de La Création d’Adam. Si, parfois, il intervient directement au feutre sur un tirage papier, la présente composition, d’un format de 136 x 300 centimètres, résulte d’un minutieux travail à la palette graphique. Pour y parvenir, Moerman a utilisé un poster déniché auprès des musées du Vatican. Après avoir été scanné, celui-ci a été agrandi par le biais d’un logiciel dont les algorithmes étirent les dimensions du format initial.
On aurait tort d’y voir un nouvel avatar d’une œuvre street art marquée par l’ego trip. C’est tout le contraire. Les ornements organiques de l’intéressé, qui n’ont cessé d’évoluer au fil des années, sont à comprendre comme une volonté de réintégrer l’ancien dans le contemporain à la façon d’un rite chamanique assurant la continuité du fait artistique. Celui qui ne cache pas son admiration pour le philosophe Georges Didi-Huberman a toujours revendiqué la nécessité absolue de l’art. «Dessiner m’aide à vivre, à penser», confie-t-il. L’artiste est aussi obsédé par l’histoire des arts visuels qu’il scrute dans le moindre détail. Ainsi du doigt d’Adam, légèrement replié, que l’on a longtemps interprété comme le signe du caractère inaccessible de Dieu. Jean-Luc Moerman préfère, quant à lui, une autre interprétation. Celle d’une phalange contractée pointant le libre arbitre inhérent à la condition humaine. «Si l’homme souhaite étendre le doigt, il touchera Dieu… mais il peut tout aussi bien passer sa vie sans le chercher, analyse-t-il avant de citer Léonard de Vinci. Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail.»
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