
Expo: Les 25 ans de Cloaca, la machine à caca de Wim Delvoye
La galerie Roldophe Jannsen célèbre les 25 ans de Cloaca, la machine qui digère et défèque mise au point par Wim Delvoye.
Cloaca – Celebration 2000-2025
Wim Delvoye
Galerie Rodolphe Janssen Bruxelles, du 17 janvier au 09 mars.
4/5
La quête d’une «vérité des profondeurs» du sujet humain traverse l’histoire de l’art, pour laquelle dire et représenter, au-delà des normes sociales et des filtres idéologiques, l’état brut d’un corps –amas de viande et de sang– demeure une constante. Cette recherche se manifeste à toutes les époques, des scènes de défécation de Bruegel l’Ancien aux performances choc des actionnistes viennois. A chaque époque, un lien se tisse avec les contextes politiques et sociaux. Ainsi, en 1961, Piero Manzoni choque avec ses Merda d’artista, des excréments encapsulés dans des boîtes vendues au prix de l’or, une performance qui ne dissimule rien d’une critique acerbe d’une société engluée dans le consumérisme triomphant.
Moins de 40 ans plus tard, Wim Delvoye reprend cet héritage en l’actualisant. Entre-temps, la brebis Dolly a été clonée et la société a basculé du côté technocratique de la force. Après huit ans de recherche, Delvoye présente Cloaca (Original) au MuHKA d’Anvers. Cette machine digère des aliments pour produire des excréments, soigneusement emballés sous vide et commercialisés. En mécanisant un processus biologique universel, Delvoye pose une question qui résonne encore un quart de siècle plus tard: pourquoi produire soi-même ses déchets alors qu’une machine peut le faire?
Un tel coup de génie méritait une célébration à la hauteur de son impact. L’exposition Cloaca-Celebration 2000-2025 invite à mesurer le caractère disruptif de cette œuvre emblématique. Présentée à la galerie Rodolphe Janssen, elle rassemble une centaine de pièces, dont plus de 40 dessins originaux révélant le processus technique et graphique derrière cette mécanique infernale. Sculptures, impressions, objets dérivés ou peau de cochon tatouée enrichissent la proposition. Parmi les pièces marquantes, l’hilarant Cloaca Travel Kit (2009-2010) se régale de notre obsession pour la miniaturisation en assurant la portabilité de la fonction scatologique. Un gimmick qui épouse parfaitement les névroses d’une époque obsédée par la mobilité et l’efficacité. Le tout pour une rétrospective commémorative révélant tout le caractère percutant d’un artiste qui, à travers le trivial et l’organique, n’égare jamais l’art contemporain dans les ornières de l’anecdote.
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