Drôle (Netflix): Fanny Ruwet raconte les coulisses d’une pure réussite

Fanny Herrero saisit quatre stand-uppers dans leur quotidien et dans leur quête de la vanne ultime. © Mika Cotellon/Netflix
Nicolas Bogaerts Journaliste

Le nouvelle série de Fanny Herrero (Dix pour cent) met en lumière le petit labo du stand-up parisien. Dans son armée de plumes, Drôle peut compter sur Fanny Ruwet, fine lame belge de ce nouvel humour ravageur. Entretien.

Quatre stand-uppers aux origines et aux destins divers se croisent sur la scène du Drôle Comedy Club, tremplin espéré vers la reconnaissance et labo impitoyable des blagues et des punchlines. Nezir, Aïssatou, Apolline et Bling (le patron du club, ex-gloire du ciné en plein déclin) sont les personnages cardinaux d’un récit qui plonge dans le chaudron de l’humour. Fanny Herrero s’est entourée d’une armée mexicaine d’auteurs pour caler au plus près du réel et d’une scène en pleine ébullition. En outre, elle a eu la bonne idée de proposer à des humoristes d’écrire les parties stand-up. Aux côtés de Thomas Wiesel, Shirley Souagnon et Jason Brokerss, notre Fanny Ruwet y fait ses premières armes sérielles. Elle nous raconte les coulisses d’une pure réussite.

Comment Fanny Herrero t’a-t-elle demandé de travailler sur Drôle?

Elle m’a tout simplement appelée un matin, durant le premier confinement. J’ai fait: « WTF! Elle s’est trompée de numéro? » Elle m’a proposé d’écrire des blagues de stand-up pour les personnages de sa prochaine série. Les débuts étaient assez chaotiques, il y avait juste Thomas Wiesel et moi. Et puis, Shirley Souagnon et Jason Brokerss nous ont rejoints. C’était quand même joyeusement bordélique, parce qu’on est très différents dans nos manières d’écrire.

À quel stade d’écriture était la série? Aviez-vous des indications sur les quatre personnages d’humoristes, Nezir, Aïssatou, Apolline et Bling?

Ils avaient déjà bien bossé sur les arches narratives, les traitements des premiers épisodes. Toutes les subtilités n’étaient pas encore là mais on n’est pas partis de rien. Fanny et son équipe nous posaient beaucoup de questions. Ils se sont nourris de nos anecdotes de scène et de tournée. Fanny a été très cool, très à l’écoute de toutes nos propositions. Elle est tatillonne et surveille toutes les étapes mais elle est tellement gentille. Elle nous a beaucoup aiguillés, nous faisait énormément de retours et écoutait les nôtres.

Drôle (Netflix): Fanny Ruwet raconte les coulisses d'une pure réussite
© Mika Cotellon

Avez-vous amené beaucoup de vécu dans ces textes?

Oui, ça a permis de peaufiner les personnages. Par exemple, quand la nouvelle notoriété d’Aïssatou l’amène à jouer dans des bleds pourris, la sollicite au point que le dilemme s’installe avec sa vie de famille. Ceux qui le vivent savent que ça peut te rendre zinzin. Ça reste malgré tout assez édulcoré par rapport à la réalité. Il peut y avoir des situations plus tendues, plus complexes, des jalousies, des trucs dingo comme dans tous les milieux. Au final, le résultat est assez feel good et c’était le but.

Dans Drôle, le stand-up tape régulièrement dans les questions de sexe et de genre. Ça colle avec la réalité de la scène?

C’est très fort dans le stand-up, oui. Ça ne fait pas longtemps que les femmes ont la liberté de parler de tout ce qu’elles veulent. Les meufs commencent à aller vers ça pour trouver leurs limites, sentir jusqu’où elles peuvent aller. J’ai envie de dire: enfin!

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D’un autre côté, Nezir a un style plus porté vers l’émotion, le trouble entre humour et histoire intime…

Alors lui, qu’est-ce que je l’aime! Il porte beaucoup la série. Pour travailler ses textes, on avait juste sa back story: comment il a grandi, où il vit, les difficultés avec son père, avec l’argent. On a imaginé le père en colocataire éclaté, les raisons pour lesquelles il en est arrivé là… On a tiré le fil pour en venir à frôler la limite du triste, du drôle, histoire de voir jusqu’où on pouvait aller. Une expérience très forte pour nous.

Comment écrit-on un bide?

(Rires) En vrai, ça a été plus dur que ce que je pensais. Instinctivement, on filait à Bling toutes les vannes qu’on n’aimait pas, parce qu’il est dans le dur. En fait, ça n’allait pas, il fallait plutôt montrer que Bling croyait vraiment que ça allait marcher, lui faire dire des trucs extrêmes ou mal amenés. C’était très difficile, surtout quand on a compris qui il est. Le mec va au casse-pipe, mais c’est une des figures les plus intéressantes dans son évolution. Ce que j’aime dans cette série, c’est qu’on ne les voit surtout pas réussir du premier coup. Leurs textes ne sont pas incroyables parce qu’on doit pouvoir les voir progresser à l’écran. Avoir la meilleure vanne, le truc béton dès le début, ça n’existe pas.

Drôle (Netflix): Fanny Ruwet raconte les coulisses d'une pure réussite

Les personnages viennent tous de milieux différents. Comment parvenir à respecter ça dans l’écriture tout en maintenant la cohésion d’une série chorale?

On a greffé nos expériences des comedy club, les discussions, les vannes. Surtout, on a cherché à exprimer pour chacun comment ils écrivent, testent, peaufinent leurs textes, trouvent le bon mot au bon moment, le bon rythme. J’aime beaucoup la manière dont c’est représenté à l’écran.

Vous vous êtes demandé comment ces textes allaient supporter le passage à l’écran?

Évidemment! J’ai pensé surtout à l’équilibre entre la qualité du texte et la réaction du public. Le piège typique, c’est la réaction disproportionnée. Et puis le stand-up, ça reste difficile à filmer. La réalisation de Drôle est assez dynamique, elle ne se limite pas aux plans depuis le public, elle diversifie les points de vue originaux et c’est pour moi une immersion réussie. En France, on n’a pas énormément de points de comparaison… à part Jeune et Golri. Le milieu a encore besoin d’être représenté. Il ne s’est pas développé, démocratisé comme aux USA. Du coup, on en est encore au stade de la légèreté, du feel good… Peut-être qu’un jour une série saisira cette problématique qui consiste à aller parler de soi pendant une heure devant des inconnus.

Drôle

Comédie. Une série créée par Fanny Herrero. Avec Mariama Gueye, Younès Boucif, Elsa Guedj. Disponible sur Netflix. ****

Dans l’arrière-salle de son Drôle Comedy Club, Bling, has-been de l’humour, organise des plateaux pour aspirants stand-uppers. Parmi eux, Nezir, qui compte sur la scène et son taf de livreur pour soutenir son père invalide; Aïssatou, nouvelle flamme de l’humour cash, qui jongle avec son amoureux thésard et leur enfant en bas âge; et Apolline, issue de la haute, qui veut percer dans ce milieu à mille lieues des attentes parentales. Chacun y va de son pas en avant puis deux en arrière pour s’accrocher à son bout de rêve. Dans Drôle, Fanny Herrero quitte enfin l’entre-soi bourgeois qui vitrifiait les personnages de Dix pour cent et laisse la vie respirer par tous les pores de cette nouvelle série électrisante. Le récit choral raconte un monde en proie à l’ébullition et au doute de la création. La fluidité du jeu des acteurs et de la caméra donne chair à une écriture subtile, observatrice (la griffe Lison Daniel des Caractères). Un des atouts de Drôle réside dans ses parties purement stand-up. Ni remplissage, ni illustration, elles remplissent pleinement leur fonction de pivots narratifs.

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