Ennemi public: « On a appris à écrire en téléchargeant les scénarios de Breaking Bad »

Au festival Séries Mania où La Trêve a été élue meilleure série francophone, Angelo Bison a reçu le prix du meilleur acteur pour le rôle de Guy Béranger. © RTBF
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Retour dans les Ardennes mais immersion cette fois au coeur de la vie monastique. Dans la foulée de La Trêve, la RTBF dégaine dimanche Ennemi public. Série policière en abbaye sur fond de disparition d’enfants.

Alors que bobonne se remet à peine de La Trêve, de ses magouilles footballistiques et de son club sadomaso à la campagne, la RTBF enchaîne avec une autre série policière belgo-belge tournée dans les Ardennes et cette fois plongée dans le mystérieux milieu ecclésiastique. A une dizaine de jours de sa première diffusion en télé et à la veille de son départ pour le festival parisien Séries Mania, Matthieu Frances nous rejoint à une terrasse saint-gilloise. Diplômé de l’IAD, Matthieu est (co)scénariste et (co)réalisateur d’Ennemi public. « Avec Christopher (Yates) et Antoine (Bours), on avait déjà développé deux projets de séries. Anemia, une histoire de vampires belges, au moment où explosait la mouvance. Puis Flies, un thriller médical dans les Ardennes avec un village mis en quarantaine. Et baf, les Flamands sortent Cordon qui fait un carton. Quand est arrivé, à l’été 2013, l’appel à projets du fonds des séries, je leur ai envoyé un message en leur disant qu’on devait y répondre. On l’aurait regretté toute notre vie. On attendait ça depuis si longtemps. »

Les trois amis se fixent rendez-vous dans un chalet des Ardennes, chacun avec son idée de pitch. Le premier, le bon, part et s’écarte très librement de l’histoire de Michelle Martin. « J’y pensais souvent. Je n’arrivais pas à sonder le mal profond qui rongeait les gens venus manifester lors de son arrivée chez les soeurs clarisses et je ne voulais pas les voir comme des crétins assoiffés de sang. Je me suis aussi dit, en tant que scénariste, qu’il y avait là une situation dramaturgique hallucinante. Que se passe-t-il derrière les murs de ce couvent une fois que les portes se sont refermées? On a fait une longue promenade de deux heures pendant laquelle on a créé Patrick, Lucas, Chloé, les enfants, Béranger (une référence au Nom de la rose)… Puis on a rapidement imaginé l’intrigue principale et le projet s’est professionnalisé. »

Matthieu, Christopher et Antoine ont engagé un quatrième, Gilles de Voghel (encore un ancien de l’IAD), puis un cinquième auteur. Ils se sont aussi entourés de Cédric Salmon, une espèce de gourou français de la série. « Il nous a appris comment formater un scénario. Comment utiliser les genres. Comment surtout peaufiner un concept pour ne pas s’y perdre. On a vite tendance à s’éparpiller dans mille et une idées. Or, la concurrence internationale est telle qu’il faut se trouver une identité. »

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Les jeunes Belges ont été biberonnés aux Etats-Unis. Ce sont les Twin Peaks, Breaking Bad, True Detective et Homeland, The Killing et Borgen côté scandinave, qui leur ont donné envie de tourner leur propre série. « On a appris à écrire en téléchargeant leurs scénarios. En regardant notamment comment fonctionnait un Vince Gilligan (Breaking Bad). On regarde comment nos aînés ont déjoué les problèmes. »

Outre Le Nom de la rose -davantage le roman que le film- et Des Hommes et des Dieux, les auteurs ont été profondément marqués par leur séjour en milieu monacal. « Aucun de nous n’est croyant mais on partage tous une fascination pour le mystique, et en particulier pour les moines. On voulait être très respectueux et modernes dans notre vision. On s’est énormément renseignés. On a même pris les conseils d’un théologien. » Tout ça pendant que Stéphanie Blanchoud s’immergeait, pour son rôle de flic, dans un commissariat de Charleroi. « Il y a quelque chose de malin à opter pour des comédiens venus des planches. La dramaturgie d’une série ressemble davantage à celle du théâtre qu’à celle du cinéma. En gros, la série cause beaucoup plus que le film. On a tendance à dire que le spectateur doit pouvoir repasser son linge sans perdre le fil de ce qu’il se raconte. »

« Un truc générationnel »

Entre l’interdiction de coproduction, les contraintes budgétaires (maximum 250.000 euros l’épisode), le timing serré et les jeux d’influence, la collaboration n’a pas toujours été chose facile avec la RTBF. « On a bénéficié d’une énorme liberté sur le ton, le sujet, l’équipe. C’était très courageux. Et en même temps, la RTBF manquait de confiance en elle. Surtout après l’échec d’Esprits de famille. Du coup, des Parisiens sont arrivés à la tête de la section fiction et au départ, ils n’étaient pas vraiment bienveillants. Il y a eu beaucoup de bâtons dans les roues, de remises en question. Beaucoup d’interlocuteurs aussi. »

La situation s’est débloquée avec l’arrivée de Séverine Jacquet pour gérer la section. Le budget par épisode est par ailleurs monté à 290.000 euros, notamment avec le tax shelter. Les comparaisons avec La Trêve? « On a été en classe ensemble. Ce sont des types qu’on apprécie beaucoup. On sait qu’ils sont malins, intelligents, bons auteurs. On partage beaucoup de références. Au début, on s’est dit chouette, il y a un truc générationnel qui se crée. Mais quand on a commencé à savoir qu’on écrivait quand même beaucoup la même chose, ça nous a fait un peu moins rigoler. On a eu la boule au ventre jusqu’à ce qu’on puisse juger jusqu’à quel point c’était proche de notre histoire. De toute façon, il était trop tard, on avait déjà tout tourné. »

Récompensée au MIPDrama à Cannes par un jury notamment composé de Chris Long (The Americans, The Mentalist) et Søren Sveistrup (The Killing), Ennemi public devrait parvenir à faire son trou. Une deuxième saison a d’ores et déjà été commandée et sera à l’écriture dès juillet.

DÈS CE DIMANCHE 1ER MAI À 20H50 SUR LA UNE.

Diffusion simultanée à l’UGC Toison d’Or: 2 épisodes tous les dimanches de mai à 19h, en présence de l’équipe du tournage.

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