Critique

[À la télé ce soir] The Plot Against America

John Turturro est le rabbin Bengelsdorf. © DR

Dans son best-seller Le Complot contre l’Amérique (2004), Philip Roth réinvente son enfance et l’Histoire des États-Unis. Dans cette uchronie, il imagine que l’aviateur superstar Charles Lindbergh, fervent supporter du Comité America First et ouvertement antisémite, remporte l’élection présidentielle de 1940 face à Roosevelt. Ce groupe politique isolationniste a réellement existé et n’est bien sûr pas étranger au slogan utilisé par Donald Trump pour sa propre élection en 2016. On parie sans crainte que cet usage de « l’Amérique d’abord » a incité David Simon (lire notre interview) à signer ici sa première adaptation d’un roman. En six épisodes denses, Simon dépeint la vie d’une famille juive, les Levin, à Newark dans le New Jersey. Ils voient les États-Unis se métamorphoser sous l’influence d’un président qui leur est hostile et vont jusqu’à se sentir étrangers dans leur propre pays. Ce sont bien sûr les parallèles entre la réalité et la fiction qui ont attiré Simon dans ce projet. Dans The Plot Against America, Charles Lindbergh fait alliance avec Hitler. Le nationalisme d’extrême droite, la xénophobie et la diabolisation des minorités s’expriment en toute quiétude. Les fausses nouvelles garnissent les journaux. D’aucuns parleraient d’une prophétie tant l’actualité semble coller à cette trame narrative.

Toute la singularité de la série tient en la faculté de Simon à décortiquer les mécanismes institutionnels et leurs dysfonctionnements. On approche l’antre du pouvoir avec le personnage du rabbin Bengelsdorf -formidable John Turturro-, un conservateur et partisan convaincu de Lindbergh. Tant et si bien qu’il devient son « champion » et l’instigateur de programmes à destination des familles juives. On voit ainsi la démocratie reculer pas à pas, au fil de mesures contre lesquelles personne ne se dresse. Présentée comme une série chorale, où chaque personnage défend son point de vue, The Plot Against America multiplie les points d’entrée pour le spectateur s’allégeant ainsi de toute forme de manichéisme. Les personnages les plus complexes, à l’instar de Bengelsdorf, comme les plus faibles apparaissent alors comme des figures tragiques. Et la passivité générale devient motrice de l’action. Il n’en faut pas plus pour la mécanique infernale du fascisme qui va crescendo, avec un réalisme tel qu’il nous glace le sang. David Simon a pris la liberté -avec l’accord préalable de Philip Roth- de changer la fin du roman, qu’il juge trop optimiste. Car dans la réalité, il n’est pas sûr de connaître de « happy end ».

Série dramatique De David Simon et Ed Burns. avec Winona Ryder, Morgan Spector, Zoe Kazan. ****(*)

Jeudi 19/3, 21h00, Be 1.

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