Critique | Livres

O.D.E.SS.A.

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

FICTION HISTORIQUE | Michel Dufranne, scénariste de cet O.D.E.SS.A. en deux tomes, a un problème avec l’Histoire: il ne supporte pas qu’elle perde la mémoire.

O.D.E.SS.A. (TOME 2) DE PEKA ET DUFRANNE, EDITIONS CASTERMAN, 48 PAGES. ***

FICTION HISTORIQUE | Michel Dufranne, scénariste de cet O.D.E.SS.A. en deux tomes, a un problème avec l’Histoire: il ne supporte pas qu’elle perde la mémoire. Alors, quand il n’est pas le spécialiste belge des « mauvais genres » littéraires, le chroniqueur de Livrés à domicile et de la RTBF fouille, gratte, écrit, et fait en sorte que l’Histoire se souvienne. A propos de la Deuxième Guerre mondiale, Dufranne avait ainsi déjà écrit Triangle rose, paru chez Quadrant(s), qui revient en fiction sur le triste sort réservé aux homosexuels pendant et après la Guerre; il boucle cette fois son diptyque réalisé avec le Serbe Peka, et vient gratter d’autres plaies: celles des réseaux qui ont organisé au sortir de la Guerre, et depuis la Belgique, la fuite de criminels nazis vers l’Amérique du Sud. Un sujet délicat et archi-documenté, pourtant très éloigné du roman de Frederick Forsythe, Le dossier Odessa, adapté au cinéma dans les années 70. Ici, et c’est une des grandes réussites de ce double album, point de manichéisme facile: avec cette histoire d’un homme chargé par sa mère de retrouver son frère aîné collabo, le duo nous emmène dans un passé peu reluisant mais tout en nuances, lorsque des Français s’en allèrent combattre aux côtés des Allemands, dans la Légion des Volontaires Français, avant d’assurer ou de s’assurer un exil latino. Un double sujet, la collaboration et l’exfiltration, sur lequel plane encore bien des mystères, pour ne pas dire des tabous. Dufranne n’en a aucun, et tranche donc dans le lard: personne n’en sort épargné. Petit bémol tout de même rayon dessin. Peka, dont c’est ici la première incursion dans le format franco-belge, rend bien la violence et les salissures de l’époque et de la guerre, mais son dessin réaliste pêche parfois sur des fondamentaux: on a souvent du mal à reconnaître les visages dans ce labyrinthe de sales trognes.

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