Zwangere Guy: « Le rap, c’est pas qu’un truc de mecs qui parlent de leur clinche »

Zwangere Guy © YAQINE HAMZAOUI
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Il sera l’un des principaux maîtres de cérémonie de Niveau 4, le plateau rap belge bilingue décliné à l’AB ce jeudi. Rencontre avec le rappeur flamand bruxellois, grande gueule fantasque et clown au parcours au moins aussi cabossé que sa ville.

La veille, il se trouvait place de la Monnaie quand la situation a commencé à dégénérer. « J’ai vu les policiers reculer. Je ne comprenais pas ce qui se passait… Les gars ont pété plusieurs vitres de la bibliothèque, au centre de la place. À un moment, ils ont débarqué à plusieurs et ont coincé le type de la sécu en le prenant à la gorge, pour qu’il efface toutes les images. Sérieux… Est-ce que je suis surpris que ça arrive? Ce qui m’étonne surtout, c’est l’âge des gamins. Les grands frères ou les soeurs, eux, savent bien qu’ils n’ont rien à gagner là-dedans… »

Zwangere Guy sait de quoi il parle: dans le civil, Gorik van Oudheusden de son vrai nom travaille à mi-temps pour les maisons des jeunes néerlandophones à Bruxelles. « On a nos bureaux dans le bâtiment de l’Ancienne Belgique. Je connais bien l’endroit. Avant de travailler comme éducateur, j’y ai bossé pendant deux ans, dans les cuisines. Quand je suis parti, je leur ai dit: « La prochaine fois que vous me verrez, ce sera sur scène. »«  Promesse tenue, à plusieurs reprises. Il y passera encore le 30 novembre à l’occasion de la soirée Niveau 4, le plateau hip-hop belge -en français, néerlandais (et même anglais) dans le texte- lancé en 2016 par le festival Couleur Café.

Le Bruxellois était déjà à l’affiche de la première édition. « Mon rôle? Isha dit que je suis le boss. Moi, je dis que je suis le clown. » Un sacré numéro en tout cas, ça, c’est sûr. Appelez-le Omar G quand il officie avec ses potes de Stikstof. Et Zwangere Guy (« Guy enceint ») quand il prend le micro en solo. Dans tous les cas, le flow déborde de son accent flamand bruxellois. Plus personne n’a cet accent-là? Faut écouter le « suave zievereer », le « MC dégueulasse », et sa lyrical zwanze. « Eh ouais, t’sais bien, j’suis dingue, un ket, un vrai bilingue » (BXL Finest). Né dans la capitale en 1988, élevé entre Ganshoren et Jette. Et donc, Brusseleir jusqu’au bout des ongles, motherfucka.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Sweatshirt « Raf Simonis » (sic) dans les tons vanille, sneakers couleur fraise, le dokter Guy reçoit chez lui, à la coule. On passe par la cuisine, atterrit dans le salon. « T’as pris ton verre, tich’? » En fond sonore, sur la platine, une compilation de folk-rock turc sixties. Au mur, une photo du rappeur new-yorkais Nas. Dehors, le Palais de Justice, voisin imposant. On cherche à tout hasard la récompense qu’il a reçue la veille -le « Breakthrough Artist/DJ/Producer/MC Award » décerné lors des 7e Red Bull Elektropedia Awards. « Pfff, y a pas de récompenses à gagner, y a que du respect à obtenir. » Sur sa page Instagram, il a posté le message « Merci Rodéo Awards! », avec une photo de la cannette énergisante concurrente. Rappeur, le Guy. Et un peu punk aussi…

Un type capable de proposer un clip –Outfit van me daddy– réalisé, monté, et joué uniquement par des filles –« Le rap, c’est pas qu’un truc de mecs qui parlent de leur clinche, c’est aussi une histoire de filles ». Un gars qui n’hésite pas non plus à intituler son premier album/mixtape solo Zwangerschapsverlof vol. 3 (traduisez « congé de maternité vol. 3 ») alors que, pour être tout à fait clair, il n’y a jamais eu de volume 1 ou 2… « J’aime l’humour absurde, c’est très flamand pour le coup. » Au printemps dernier, il posait sur la Une du Focus consacré au rap belge en claquettes chaussettes… Décalé? Certainement. Grande gueule? Assurément. Entier? Évidemment. Sans cesse, il répète: « Il faut se jeter. Dans tout ce que tu fais: au boulot, dans l’amour, quand tu cuisines… » Alles geven! OK, d’accord, c’est entendu. Derrière la fanfaronnade, il ne faut toutefois pas gratter bien loin pour trouver la faille…

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

La merditude des choses

Zwangere Guy, c’est d’abord un « vrai ». Gamin, le hip-hop débarque via un oncle qui lui refile des CD de Tupac, Nas, Eminem, etc. « À douze ans, on m’a offert une radio. Tous les dimanches soir, j’écoutais De Hop, l’émission de Lefto. » Après le rap ricain, il tombe sur sa déclinaison française. « Un jour, j’ai pété la gueule d’un gars dans ma classe, en première secondaire -Arben qu’il s’appelait, un Albanais. Il insultait Melissa, la traitait de grosse vache. J’aimais pas quand il disait ça, alors je lui ai détruit ses dents (sic). Le lendemain, elle m’a ramené une pochette avec cinq CD copiés, dont des albums de Lunatic, Psy4 de la Rime, Sniper. »

Le gamin est turbulent. « À l’école, j’étais toujours le plus mauvais. » Faut dire qu’à la maison, ça ne rigole pas trop. Des parents séparés, dont la bohème n’a pas lésiné sur les excès (alcool, drogue). « Mon père, c’était un vrai OG », un « original gangster », glisse le fils. Sa mère, elle, enchaîne les aventures amoureuses foireuses. Jusqu’au jour où le dernier arrivé pose ses valises. « Un vrai connard. Pour faire de la place, il a voulu que je dorme dans le divan. » Gorik a quatorze ans. Il prend ses affaires et se barre chez un pote. Il ne reviendra plus. Il décroche de l’école, se met à bosser dans le bâtiment. « Il me fallait bien du « kees » (« kaas », « fromage », et dans ce cas précis de « l’argent », NDLR) pour vivre. » Heureusement, il y a aussi les potes, frères de galère « qui lui sauvent la vie ». Et puis, il y a le rap. Il s’y met tard. Il a déjà 23 ans quand il se lance dans l’aventure Stik-stof (Astro, Jazz, Rosko)…

De son parcours cabossé, il n’a pas fait vraiment étalage jusqu’ici. « Chacun son histoire, hein. » Seul le morceau Outfit van me daddy lâchait une série d’indices sur son parcours fracassé: « M’n mama dee die zaken die ik nooit niet zal vergeten/Ik verdeel de lakens nu, want niemand gaf me eten » (« Ma mère a fait toutes ces affaires que je n’oublierai jamais/Aujourd’hui, c’est moi qui dirige la manoeuvre, parce que personne ne m’a donné à manger. ») Dans le futur, on devine qu’il pourrait davantage laisser tomber le masque. En attendant, c’est Stikstof qui est au centre de ses préoccupations (un nouvel album est attendu pour l’an prochain). Avec Bruxelles comme incontournable port d’attache. « Comme je dis souvent, c’est ma thérapeute. » Zwangere Guy is the city

Niveau 4, le 30/11, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles. Avec aussi L’Or Du Commun, TheColorGrey, Le 77, Darrell Cole, ISHA en Junior Goodfellaz & DJ Vega.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content