Rencontre avec Lee Swinnen, l’un des secrets les mieux gardés de la scène rock flamande

"Je suis devenu un music nerd grâce à Internet. Je faisais des listes de tout ce que je devais écouter. J'étais une épongeet je traînais sur un tas de forums. Notamment celui de Sonic Youth." © ANNIKA WALLIS
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Fils du chanteur des Scabs, Lee Swinnen secoue la scène rock flamande avec ou sans son frère. Portrait de famille. D’Ero Guro à Frankie Traandruppel…

Il a une grande carcasse dégingandée. Souvent une veste en jean sur le dos, une clope au bec et une bière forte à la main. Jeune trentenaire (il est né à Diest en 1990), Lee Swinnen est l’un des secrets les mieux gardés de la scène rock flamande. L’homme n’est pas du genre à se cacher. Il serait même plutôt hyperactif. Façon lapin rose de pub Duracell. Il a juste tendance à brouiller les pistes. Éventuellement flanqué de Mick, son frangin. Les deux Limbourgeois sont les fils de Guy Swinnen, le chanteur et guitariste des Scabs. « Je suis très fier de ce qu’il a accompli, dit le fiston. Mais on a fait notre vie et tracé notre route. Il ne nous a même pas poussés à faire de la musique. Quand on était ados, il était à mort dans Neil Young et Bob Dylan. Je trouvais que c’était de la merde évidemment… On était des skaters et je regardais les films qui allaient avec. Musique des Bad Brains, de Sonic Youth. » Quand il découvre le groupe de Thurston Moore et de Kim Gordon, son cerveau explose. « Tout était si propre à la radio. Là, je me prenais dans la tronche le bruit et la dissonance. Je devais avoir 13 piges. C’est là pour moi que tout a commencé. C’était ce genre de musique que je voulais faire. Avoir des guitares et des amplis à la maison a rendu les choses plus faciles. »

Lee monte son premier groupe à 16 ans avec des potes d’école. Ça sonne grunge et ne dure pas bien longtemps. « Je n’entendais jamais le bassiste. On était bruyants et sales. Je pensais qu’il savait ce qu’il faisait. Mais après un bout de temps, il a acheté un ampli et j’ai réalisé qu’il ne savait pas jouer. » Dans la foulée, il rencontre les mecs de Tubelight, qui cherchent un chanteur. Premier vrai groupe…  » On était jeunes. On s’amusait. On répétait tous les jours. C’était un peu notre clubhouse. »

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Lee se cherche. Après avoir commencé la vidéo à Bruxelles, il attaque la Pop et Rock School d’Hasselt. Il y étudie le chant. « Le côté technique mais aussi le songwriting. C’était cool. Les bassistes et les guitaristes devaient sans cesse répéter, être vraiment au point techniquement. Mais chanter, soit tu sais, soit tu sais pas. On devait toucher à un tas de genres et ça me parlait. Je ne suis pas fan que de garage et de punk. Puis, la meilleure partie de ces études, ça peut sembler con, mais c’est le réseautage. J’ai croisé plein de gens qui sont dans le business maintenant. »

C’est là aussi qu’il fait la connaissance de Thomas Valkiers et Niels Meukens, ses comparses de Double Veterans. « On voulait juste s’amuser. Faire du garage crado et boire plein d’alcool. On ne s’attendait pas à grand-chose mais ça a plutôt bien marché. » Il y aura un tube très MTV (Beach Life) au refrain épicurien, ode à la beuverie et au fumage de joints sur la plage entre amis. Un paquet de concerts aussi. « Double Veterans, c’était vraiment la fête. Y aller fort, foutre le bordel partout où on jouait. » Les Limbourgeois forcent le passage en montant une tournée avec Alpha Whale et Mountain Bike… « On a envoyé des mails à la moindre maison de jeunes de Flandre et de Wallonie. Le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Les radios ne voulaient pas de nous mais comme on générait pas mal de trafic sur Facebook, ça a fini par changer. »

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Punk, DIY et supermarchés…

Pour le moment, Lee se partage entre Ero Guro, le furieux groupe emmené par son frère Mick, et Frankie Traandruppel, projet solo qui ne l’est plus tant que ça. Il a un job alimentaire aussi. C’est l’histoire de beaucoup de musiciens et l’un des principaux incubateurs de la scène gantoise (Mind Rays en sait quelque chose). Lee bosse dans un supermarché. « Mick travaille au Delhaize et moi dans un Lidl. Tu peux rencontrer toutes les rock stars de Gand en allant faire tes courses (il se marre). Au moins, je ne suis pas dépendant du fric que les concerts rapportent. Ça me file beaucoup de liberté. Je peux vraiment faire ce que je veux. » Suivre sa vision. Cracher sur le moindre compromis.

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Diversion? Avatar? Frankie Traandruppel est né presque par hasard. « Après avoir terminé le dernier album de Tubelight, j’étais cuit. Un peu déprimé. Et notre bassiste, Bart, m’a offert ce 4 pistes cassette. Je ne pensais rien sortir. J’ai juste enregistré quelques chansons pour moi. Un peu en mode: fuck music, I want to quit. Le 45 tours a plu et je me suis dit OK, je vais recommencer. Nouveau. Frais. »

Asbestos Eye Candy, son petit dernier, renvoie à Bob Dylan, Kevin Morby, Tim Presley… « J’aime les 45 tours. J’écris quatre morceaux. Je les mets sur un disque et je commence à travailler sur le suivant. Parce que la vie change tout le temps. Je ne suis pas le même mec qu’il y a trois ans. Et je veux que ma musique soit personnelle, qu’elle dise comment je me sens. Je suis heureux pour le moment. Et étant un mec heureux, je voulais faire un disque poppy avec de l’orgue et plein de couleurs. »

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Rien à voir avec Ero Guro, tornade punk, bruitiste et sauvage qui déferlera le 24 novembre sur le Café Central… « Il y a quelques années, Mick et le guitariste Jens avaient quelques chansons. Mon frangin était un peu down à l’époque. « Je n’ai rien dans ma vie. Blablabla. » Je le poussais à monter un groupe mais il trouvait des excuses bidon. Il était très hésitant avec les antécédents familiaux… Mais bon, qu’est ce que ça peut bien foutre? »

Lee a l’esprit punk. Le sens du Do It Yourself. Il enregistre dans sa salle de répétition à Diest et n’a pas de booker. « Je gère tout moi-même et ça me plaît. Quand tu grandis, il te faut un manager, tu dois prévoir des singles, des clips… Le côté business entre en ligne de compte et je déteste ça. Je veux faire de chouettes concerts et que les gens qui m’invitent le veulent vraiment. Pas qu’un tourneur lui ait forcé la main et qu’il n’en ait rien à branler. »

Ero Guro, le 24/11 au Café Central (Bruxelles).

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