Petit Prince fait sa « déclaration d’amour au matin qui délivre des insomnies et des angoisses »

Petit Prince: "Moi aussi, dans mes morceaux, j'ai envie que les gens comprennent de quoi ça cause. Je veux écrire simple. La poésie de bas étage, il n'y a rien de pire."
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son premier album, Elliot Diener marie pop psychédélique et chanson française, angoisses nocturnes et rêveries domestiques, bien perché sur sa planète.

Sortir un premier album. En 2020. Ce n’est même plus un pari, c’est carrément une folie, façon Don Quichotte contre les moulins. Petit Prince a donc bien daigné reculer la sortie de Les Plus Beaux Matins, prévue initialement au printemps. Mais pas question d’attendre plus longtemps. La vie de musicien est de toute façon rarement un long fleuve tranquille. « Pour en avoir beaucoup discuté autour de moi, je vois ça presque comme une histoire de destin. C’est mon métier. C’est ce que je suis. Je ne me vois aucune autre utilité dans la société que d’essayer de transmettre et de faire vivre des émotions un peu universelles, intemporelles. » Ce choix n’a pas été tout le temps aussi évident. Jusqu’il y a un an et demi, la musique tenait surtout de la diversion, un hobby chronophage. À l’aube de ses 27 ans, Petit Prince a fini par sauter le pas. « Je me suis dit que si je ne le faisais pas maintenant, j’allais passer à côté de ce que je suis vraiment. » Il avait pourtant déjà eu l’occasion de sortir deux premiers EP. « Mais le premier regroupait juste quatre démos; et le second a été fait en deux semaines. Ce n’était pas vraiment sérieux. Faire un album, c’est autre chose. Nonante-neuf pour cent du temps, c’est horrible. Vous avancez dans le noir avec une petite lampe de poche qui éclaire à peine. Et puis, un jour, vous tombez sur un truc vraiment bien, et alors vous êtes le maître du monde… »

Paris, la nuit

Derrière le pseudo princier, il y a Elliot Diener. Né à Strasbourg, il apprend le violoncelle et le solfège, avant de lancer ses premiers groupes au collège. À 18 ans, il « monte » à la capitale pour des études d’ingénieur du son. Sur place, il crée le collectif Pain Surprises avec des potes. « On débarque tous en même temps à Paris. Le soir, quand on se voit, c’est pas pour jouer à la PS, mais pour lancer des « projets ». On se prenait pour des adultes, en fait. Ça a donné lieu à plein de choses. » Comme des soirées, des happenings ou un label de musique. « Au départ, on voulait juste sortir le morceau d’un groupe qu’on aimait bien sur YouTube. Sauf que trois mois plus tard, il se retrouve single d’or. » Le groupe, c’est Jabberwocky, qui cartonne avec Photomaton. Tout à coup, l’argent arrive. La « blague » devient plus sérieuse. Elliot se retrouve rapidement à mettre le nez dans l’administratif, tout en bossant sur le mixage et le mastering des disques que Pain Surprises se met à enchaîner -dont ceux, par exemple, de Salut c’est cool ou Jacques, producteur électronique doux dingue.

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Aujourd’hui, c’est sur sa propre trajectoire qu’il veut se concentrer, « toujours associé dans le label, mais plus employé« . Disque imaginé en technicolor, Les Plus Beaux Matins déploie son psychédélisme pop avec une exubérance assez redoutable, guitares épiques (Tombé dans mes bras), batteries baveuses (Tendresse sur canapé) et instrumental décalé compris (Conte breton). Un peu à la manière d’un Tame Impala hexagonal, Petit Prince malaxe les textures et les mélodies, tout en gardant en permanence la voix au centre du jeu. « Il n’y a pas de hasard: en français, pour être compris, vous êtes obligé de mixer la voix quelques dB plus fort. L’anglais, par contre, excite certaines fréquences, et passe mieux. Il permet de laisser plus de place à l’instrumentation. C’est quelque chose que j’ai appris à accepter. » Car aussi plongé soit-il dans le psychédélisme pop anglo-saxon, Petit Prince tient à ses racines chanson française, de Johnny à Balavoine en passant par MC Solaar. Soit « des chanteurs dont on saisit directement de quoi ils parlent. Moi aussi, dans mes morceaux, j’ai envie que les gens comprennent de quoi ça cause. Je veux écrire simple. La poésie de bas étage, il n’y a rien de pire. » En l’occurrence, Les Plus Beaux Matins oscille entre rêveries et états d’âme angoissés -ceux du passage à l’âge adulte, déménageant de Strasbourg (« la famille de médecins, l’environnement un peu bourgeois, le lycée privé« ) à Paris (« la nuit, les drogues, les fêtes« ). Pour aboutir à une première forme de sérénité domestique -« après dix ans, ça y est, j’ai trouvé le bon plan, un appartement dans une rue calme, qui me tient un peu à l’écart de la violence de la ville« . Si l’on se réfère à la déclaration d’intention, Les Plus Beaux Matins se présente ainsi comme une « déclaration d’amour au matin qui délivre des insomnies et des angoisses« . Mais encore? « Je peux me coucher à 1h du matin, et me réveiller deux heures plus tard. Plutôt que de vivre ça comme un enfer, j’ai appris à l’accepter et le prendre comme un moment pour faire le point, débriefer ma vie. » Pour le coup, on y verra une bonne métaphore de la période actuelle… « Même si ce sont souvent des heures biaisées, où votre esprit peut vite s’emballer. Mais c’est aussi pour ça que je parle des beaux matins, qui adoucissent les jugements et tout ce que vous avez pu ruminer. » Vivement que le soleil se lève…

Petit Prince, Les plus beaux matins, distribué par Pain Surprises. ***(*)

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Dixit Joann Sfar

Petit Prince fait sa

« Je suis fou de chanson française. Mais uniquement celle du passé. Je n’écoute que les chanteurs morts. Brassens, Gainsbourg, etc. Ça ne veut pas dire que la scène actuelle n’est pas intéressante mais malheureusement je ne la connais pas. Ma science du rap s’arrête au Wu-Tang Clan, et Dieu sait que je les aime beaucoup. Peut-être reste-t-on collé aux choses qui vous ont le plus ému ou qui vous ont construit dans votre jeunesse? Est-ce que c’est être nostalgique d’écouter Brassens tous les jours parce que chez moi il est toujours présent? C’est une question d’hygiène pour moi d’écouter régulièrement Nino Rota… Comme les hommes préhistoriques devaient avoir la chanson de leur grotte, moi je n’ai pas besoin de changer la chanson de ma grotte en permanence. Il ne faut pas me demander une playlist en soirée, ça risque d’être assez agaçant. »

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