Lous & the Yakuza, esprit de gore
Après avoir enchaîné les singles, la Bruxelloise Lous & The Yakuza sort enfin son premier album, concentré d’esthétique hip-hop et de pop moderne, calibré pour briller. L’occasion d’un décryptage (à défaut d’interview)…
Cela fait des mois que la voie a été tracée (lire son portrait dans le Focus du 2 janvier dernier). Et ce n’est pas une pandémie qui privera Lous & The Yakuza de son moment. « Si tu crois que j’ai le temps de passer à côté de ma chance« , chante-t-elle, sur Dans la hess. Le morceau est l’un des dix que compte son tout premier album, Gore. Mix ultracontemporain de pop, de rap, de trap, de r’n’b et de chanson, il aurait déjà dû sortir au printemps. Le label a finalement préféré le reporter de quelques mois. Sans que cela ne semble ralentir une ascension irrésistible: médiatique notamment -du plateau de Quotidien à celui de Taratata ou C à vous– ou sur les réseaux -les enfants de Madonna qui dansent et reprennent les paroles de Tout est gore sur Instagram. Elle est un peu la dernière étoile issue de la galaxie hip-hop belge. Avant de s’offrir un duo avec Hamza cet été (le triangle amoureux de Laisse-moi), ou de figurer sur le récent Qalf de Damso (Coeur en miettes), on pouvait déjà l’apercevoir dans la vidéo du Bruxelles vie de ce dernier, en 2016 -à côté notamment de Shay, Ponko, Caballero ou encore Krisy, devenu entre-temps son plus fidèle allié.
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Née à Lubumbashi, en 1996, Marie-Pierra Kakoma de son vrai nom a pas mal zigzagué entre Afrique (RDC, Rwanda) et Europe (la Belgique), comme elle louvoie manifestement entre ses passions et ses obsessions. Musicales principalement -de Lil Wayne à la chanteuse folk japonaise Ikue Asazaki en passant par Prince ou Cesária Évora. Mais pas seulement. Fan de mangas, elle est également artiste-peintre, touche au design et attache un soin particulier à ses clips (lire ci-dessous). Un tel appétit ne passe forcément pas inaperçu. Pour certains, il n’est même plus très éloigné d’une certaine arrogance. Ses « jeanclaudevandammismes », alternant français et exclamation anglaise en interview, n’aidant pas forcément à rectifier l’image. Le délit de belle gueule non plus? Car Lous & The Yakuza officie également comme mannequin -Vuitton est l’un des derniers à avoir aligné les zéros pour avoir le privilège d’en faire l’un de ses visages… Derrière l’opiniâtreté et l’agitation permanente de l’intéressée, il n’est cependant pas interdit d’y voir aussi une énergie débordante, à peine canalisée. Comme quand elle lance sur les réseaux un appel à protester contre la mort de George Floyd, et se retrouve à coorganiser la manifestation Black Lives Matter devant le palais de Justice en juin dernier. « Peut-être à tort, ce n’était pas une décision réfléchie…« , soupirait-elle récemment en interview dans Le Code de Mehdi Maïzi, expliquant les centaines de messages d’insultes qu’elle a reçus depuis. Pour être transparent, c’est d’ailleurs aussi ce qui l’a poussée à annuler l’entretien prévu avec le Focus pour parler de Gore. En cause, la Une du Vif datée du 3 septembre, dont les fameux blackface ne sont toujours pas passés. Elle aurait pu utiliser justement ces colonnes pour en discuter? « Là, maintenant, c’est encore trop tôt. » Ou, pour en revenir à la musique, et citer par exemple le morceau Solo: « Toujours devoir débattre, toujours devoir se défendre« … Dont acte.
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Comme sa musique, produite en partie par l’Espagnol El Guincho (Rosalía), Lous & The Yakuza a les deux pieds ancrés dans son époque. Où même la pop n’échappe pas aux remous du moment, transformant la mélodie la plus guillerette en hymne engagé; toujours dansant, mais troquant le glamour et les paillettes pour les ruminations intimes (« Pas encore fou, mais bientôt« , dans Amigo) ou des chroniques menaçantes (Quatre heures du matin). Entre poésie-chanson et rimes rap plus naïves, l’écriture de Gore hésite encore parfois. Visuellement par contre, Lous & The Yakuza file droit. Tout en floutant les lignes. À l’instar de l’univers d’un Baloji (présent sur Dans la hess), les codes des musiques dites « urbaines » sont volontiers détournés -les bords de falaise plutôt que le bitume de la ville (Amigo), les tours HLM mais aussi les escaliers de marbre d’une maison de maître (Dilemme). Arty toujours, quitte à tenir à distance. De quoi en faire une star? Lous & The Yakuza a en tout cas tout fait pour.
Lous & The Yakuza, Gore, distr. Sony. ****
En concert le 19/01 au Botanique, Bruxelles.
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Réalisatrice de clips pour entre autres Alicia Keys et Janelle Monáe, la Canadienne Wendy Morgan a réalisé tous les clips de Lous & The Yakuza.
Comment s’est passée la première rencontre?
J’étais à Paris, au Musée d’Orsay, et j’ai posté sur mon Instagram la photo d’une peinture. Emilie Urbansky, creative director à Sony France, est tombée dessus. Elle était en train de chercher un réalisateur pour Dilemme et elle a pensé à moi. J’ai rencontré Lous la veille du tournage. On a parlé pendant six heures. On a discuté de nos vies, la sienne en particulier est très intense. Elle a cette qualité très spéciale, ce charisme qui fait que tout le monde tombe amoureux d’elle.
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Comment s’implique-t-elle dans les clips?
J’écris le concept mais elle amène toujours beaucoup d’idées. Elle a de bonnes intuitions et on se fait confiance l’une l’autre. Pour Amigo, par exemple, elle avait notamment en tête le clip Wuthering Heights de Kate Bush, ce qui a amené la scène d’ouverture où elle est habillée en robe noire au bord d’une falaise normande.
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Pourquoi est-ce si intéressant pour vous de travailler avec cette artiste?
J’ai trouvé la muse parfaite pour mes propres expressions artistiques. On aime les mêmes choses et quand je travaille avec elle, je sens que je travaille d’une manière très honnête et inspirée. Elle se soucie vraiment des gens. C’est une artiste émergente et elle commence seulement à gagner de l’argent. Mais au lieu de parader ou de s’acheter une voiture, elle construit par exemple un hôpital en RDC. C’est le genre de personne qui comprend les souffrances du monde et qui entend le changer avec son art.
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