Les clés de Cassius: Boombass raconte la French Touch

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le temps d’un premier livre attachant, Boombass alias Hubert Blanc-Francard délaisse le studio pour raconter l’histoire de son duo avec Zdar, et, plus généralement de la French Touch. L’aventure, c’est l’aventure… Entretien.

C’est une histoire de potes. Elle a marqué la musique électronique du début de ce millénaire. Et en particulier, celle de la French Touch. On ne parle pas de Daft Punk -cela aurait pu. Mais bien de Cassius, formation au parcours accidenté, mais sanctionné par une tripotée de tubes XXL: Toop Toop, I <3 U So, ou encore l’inaugural Cassius 1999, classique de la house filtrée made in France, toujours aussi irrésistible 20 ans après sa sortie. Formé par Philippe Cerboneschi alias Zdar, et Hubert Blanc-Francard alias Boombass, le duo s’est arrêté brutalement en 2019. Deux jours avant la sortie de Dreems, leur cinquième album, Philippe Cerboneschi faisait une chute mortelle après que le garde-corps de son balcon a cédé. Il avait 52 ans.

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Zdar est évidemment présent partout dans l’autobiographie que sort ces jours-ci son camarade Boombass. Avec Cassius, ils ont constitué l’un des duos phares d’un mouvement qui a fait du 1+1 la formule idéale -de Daft Punk donc, à Justice en passant par Air, Motorbass, etc. « C’est vrai, relève Hubert Blanc-Francard. Un groupe de rock à deux, c’est compliqué -à moins d’être les Sparks. Pour faire de la musique électronique, par contre, c’est presque le chiffre maximal. Cela se transforme aussi vite en aventure de couple. » Aventure. Le mot est lâché. Il y en a plein dans le livre du musicien-producteur parisien. Boombass, une histoire de la French Touch carbure aux anecdotes, souvent truculentes, fourmillant d’infos sur une période particulièrement féconde de la musique française. « J’ai commencé ce projet en 2017. Avec rapidement une première version que j’ai fait lire à la mère de mes enfants. Comme elle est très franche, elle n’a pas hésité à me dire qu’elle trouvait ça… hyperchiant (rires). Du coup, je m’y suis remis plus sérieusement, jusqu’à ce que cela en devienne obsessionnel. Je me suis fixé le défi d’écrire un peu le genre de livre d’aventures que je lisais quand j’étais môme, la Bibliothèque verte, ce genre de trucs. »

Les clés de Cassius: Boombass raconte la French Touch

Né le 31 mars 1967, Hubert Blanc-Francard a toujours baigné dans la musique. Il est le frère de Mathieu Blanc-Francard, qui deviendra le chanteur Sinclair, mais surtout le fils de Dominique Blanc-Francard, producteur et ingénieur du son, qui a vu passer devant sa console à peu près toute la scène française. Avant de se lancer lui-même dans la musique, et de frayer avec des Pharrell Williams et autres Kanye West, celui qui se fera appeler Boombass a ainsi pu côtoyer Gainsbourg. Plus tard, il sera assistant de studio quand… Stéphanie de Monaco viendra y enregistrer son Ouragan… Dans la foulée, il se retrouve également à travailler en maison de disque. « Cela m’a sauvé la vie. J’ai pu apprendre tous les rouages des contrats. Et, aujourd’hui, on est propriétaire à 100% de nos morceaux, avec Cassius. J’ai vite compris qu’au-delà de la passion, le monde de la musique était aussi une industrie. »

Une chance que n’a pas eue le jeune MC Solaar, dont les trois premiers albums ont été bloqués pendant près de 30 ans, suite à un litige avec son premier label. Aujourd’hui, Qui sème le vent récolte le tempo, Prose Combat et Paradisiaque sont en passe d’être tous réédités. On pourra y dénicher le nom de Boombass au générique. Il y revient d’ailleurs largement dans son livre. Et révèle un scoop: oui, MC Solaar est capable de se mettre en colère, par exemple quand un contrôle de police se fait trop insistant. « Oui, ou quand on essaie de l’escroquer, comme tout être humain. Claude sait très bien ce qu’il veut, c’est quelqu’un de très intelligent et très fin. »

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Bromance électro

L’autre intérêt de ces pages consacrées à MC Solaar est de rappeler à quel point rap français et musique électronique ont longtemps marché côte à côte -à l’instar de DJ Mehdi, autre personnage central du bouquin, passé de l’un à l’autre. Au final, les deux courants ont fini par suivre des trajectoires quasi opposées. Quand la première vague rap déclinait, ce qu’on a appelé la French Touch commençait à conquérir le monde. « À l’époque, par une espèce de snobisme étrange, on a eu un peu de mal à assumer ce terme de French Touch. Aujourd’hui, je trouve ça super. Aussi parce que ce n’était pas bidon. Sur les dix ou quinze groupes qui étaient cités en permanence, on n’était pas forcément tous potes. Mais on connaissait tout le monde. Et puis j’ai compris aujourd’hui que c’est important de pouvoir définir ce que tu fais. Il ne faut pas cracher dans la soupe. C’est bien beau de rejeter les étiquettes, mais à la fin de la journée, Miles Davis faisait bien du jazz! »

Au sein de la French Touch, Cassius a souvent tenu une place un peu bancale, se laissant ballotter entre tubes mainstream et underground. À lire le récit de Boombass, on comprend que le duo a cultivé plus ou moins délibérément ce statut. « Absolument. Si on avait joué le jeu à fond, probablement que l’on aurait connu un plus gros succès. Mais au fond de nous, on n’en avait pas grand-chose à cirer. Il fallait que ça marche, mais sans qu’on doive, par exemple, s’emmerder à passer à la télé. » Même s’ils n’ont pas davantage suivi les codes médiatiques classiques, planqués sous leurs casques, les potes de Daft Punk auront connu eux la gloire planétaire. Plus d’une fois, se retrouvant dans les mêmes réceptions, certains penseront croiser Thomas Bangalter ou Guy-Manuel de Homem-Christo en serrant en réalité la main de Boombass. « On a passé pas mal de temps ensemble. J’ai toujours admiré leur musique. C’est toujours bien de traîner avec des gens intelligents et doués. »

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Il y a quelques mois, le binôme annonçait sa séparation. Dans le cas de Cassius, Boombass, lui, n’a pas vraiment eu le choix, après la disparition de Zdar. Même s’ils avaient envisagé que Dreems puisse être leur ultime album. « On se posait la question. Avec le temps, un duo devient quelque chose qui demande beaucoup d’efforts. Je n’en ai pas discuté avec Thomas et Guy-Man. Mais je peux imaginer que pour eux aussi, il y a eu une envie de liberté, que le groupe ne permet plus forcément. Avec Philippe, on aimait bien aussi l’idée d’un corpus de cinq albums, une oeuvre complète. Le plus fou, c’est que cela s’est passé comme ça… »

Boombass, une histoire de la French Touch, De Hubert Blanc-Francard, éditions Léo Scheer, 250 pages. ***(*)

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