Chunky Shrapnel, une nouvelle pièce à la mythologie gizzardienne?

King Gizzard and the Lizard Wizard, ici au Pukkelpop 2018. © Wouter Van Vaerenbergh

Pour les fans de King Gizzard and The Lizard Wizard, c’est un rayon de soleil dans le ciel obscur du confinement: ce vendredi sort le très attendu film-concert Chunky Shrapnel. L’occasion de revenir sur une mythologie construite pendant près de 10 ans par des Australiens aussi déments qu’inventifs.

Dans un monde parallèle où le numérique remplace tout ce que nous connaissons, Han-Tyumi, un cyborg confus, est à la recherche de sa propre mort. Il développe alors une machine, en partie humaine, lui permettant de faire ce qu’un cyborg est incapable d’accomplir: vomir et mourir. Il tente de s’associer à elle, mais la fusion est incontrôlable, et dans une explosion qui engloutit tout, il assassine l’univers tout entier. C’est dans un épilogue tragique que Han-Tyumi constate cette chute, « des gros éclats d’obus » déchirant tout autour de lui, autrement dit: « Chunky Shrapnel tears through everything about me« .

Ainsi se résume le troisième acte de Murder Of The Universe, 10e album de King Gizzard and The Lizard Wizard sorti en 2017. Simple clin d’oeil ou réelle référence? Rien n’est certain! Chunky Shrapnel est en tous cas le nom que prendra le tant attendu film-concert réalisé par John Angus Stewart avec des images de la tournée européenne du groupe australien.

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Depuis 2012, le septuor originaire de Melbourne a sorti 15 albums studio (dont cinq rien qu’en 2017), mais a également su bâtir une mythologie autour d’une discographie aussi abondante qu’hétéroclite. De nombreuses théories de fans circulent sur Internet et tentent d’interpréter les indices disséminés dans les musiques et clips du groupe. Ces théories ont en partie été nourries par le groupe lui-même, déclarant à plusieurs occasions que l’ensemble de leurs albums étaient connectés, cohabitant dans une sorte d’univers parallèle. Pour certains fans, il n’y a alors plus aucun doute sur l’existence d’un « Gizzverse ».

>> Notre interview avec King Gizzard lors de la sortie de Murder of The Universe.

Nonagon Infinity opens the door

En 2016, King Gizzard dévoilait Nonagon Infinity. Cet album de neuf titres fonctionne telle une boucle infinie, la fin du dernier morceau enchaînant sur le premier, Robot Stop. Il s’agit sans doute de la porte d’entrée logique de ce fameux Gizzverse. Dans le clip d’Invisable Face réalisé par leur ami Jason Galea, on aperçoit sept voyageurs et un crocodile dans un vaisseau traversant l’espace. Ces sept personnages se retrouvent également dans celui de Gamma Knife où des paroles laissent penser qu’ils seraient à la recherche de l’immortalité. Mais au lieu de trouver la vie éternelle, ceux-ci auraient ouvert la porte de l’apocalypse grâce au Nonagon Infinity (« Nonagon Infinity opens the door« ). Des monstres se déverseraient alors sur le monde comme décrit dans les morceaux Big Fig Wasp, People-Vultures ou encore Wah-Wah.

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Les effets de cet évènement seraient alors décrits dans plusieurs albums. Dans l’album Flying Microtonal Banana, les morceaux Doom City et Nuclear Fusion dépeignent un monde comme touché par des retombées nucléaires. Plusieurs théories avancent que ces conséquences seraient une métaphore à l’action humaine sur la planète qui l’a détruit à petit feu. En interview, le groupe a confirmé que l’inspiration était venue à Stu Mackenzie, le chanteur du groupe, après un voyage à Pékin où l’air était selon lui irrespirable. Dans Murder Of The Universe, les deux premiers actes introduisent également des personnages fantastiques tels que la bête altérée (Altered Beast), Le Seigneur de la Foudre ou le Balrog (Lord Of Lightning VS Balrog) qui seraient issus de ce nouveau monde apocalyptique. La destruction du château dans l’album Polygondwanaland avec Crumbling Castle peut également être interprétée comme cet effondrement du monde ou encore comme la chute de l’humanité tout entière.

Han-Tyumi, plus qu’un protagoniste

Si l’apocalypse touche le monde et que des monstres s’y déversent, que sont devenus ses habitants? Le cyborg Han-Tyumi est un personnage central dans le Gizzverse qui se présente comme le dernier humain sur terre à s’être transformé en machine, une probable métaphore de la numérisation du monde. Comme pour confirmer cette théorie, son nom est l’anagramme d’Humanity.

Mais s’il est uniquement présenté dans Murder Of The Universe, sa présence se confirme par contre dans plusieurs albums du groupe. Dans la chanson Tezeta présente sur Sketches Of Brunswick East sorti en 2017, on peut entendre sa voix robotisée se remémorant son passé d’humain. Une évidence pour certaines théories qui feraient le lien avec le Tizita, un type de chanson éthiopienne qui peut se traduire par le souvenir ou la nostalgie. En ouverture de Fishing For Fishies sorti en 2019, le pêcheur se sentant coupable de retirer des poissons de la mer pourrait également être Han-Tyumi avant sa transformation en Cyborg. Le fait de refuser de manger de la viande serait alors la première étape de sa transformation en machine.

Mais Han-Tyumi pourrait avoir agi plus directement à la chute de l’humanité. Alors qu’il reçoit la visite de sept voyageurs et d’un crocodile partis à la recherche de l’immortalité, il aurait espéré sauver la planète en les accompagnant et en ouvrant la porte de la vie éternelle. Comme démontré dans Nonagon Infinity, c’est le contraire qui se produit.

Une mythologie expansive

À chaque nouvel album, de nouveaux éléments s’ajoutent au Gizzverse. Nous ne les avons pas tous évoqués ici mais les albums Fishing For Fishies et Infest The Rats’ Nets, sortis en 2019, étendent un peu plus cette mythologie. Le premier introduit par exemple Boogieman Sam, un humain dansant et symbolisant le chaos. Il serait la métaphore de l’Oncle Sam ou plus largement de la société occidentale, agissant souvent sans se soucier des conséquences de ses actes. Plastic Boogie décrirait alors la quantité de plastiques créés par cette société. Mais Boogieman Sam ne va pas apprécier sa propre transformation en cyborg dans Cyboogie, danser n’aurait alors plus la même saveur et son immortalité le rendrait dépressif. Cette transformation se déroule également musicalement: alors que Fishing For Fishies est un album aux accents blues et organique, Cyboogie le conclut avec de hautes envolées électroniques. Certaines théories lieraient d’amitié Boogieman Sam et Han-Tyumi, les présentant comme les deux personnages débutant le Gizzverse.

Infest The Rats’ Nest débute lui par Planet B qui introduit un nouveau genre utilisé par le groupe: le heavy metal. Dans le clip réalisé par John Angus Stewart, réalisateur de Chunky Shrapnel, les sept membres du groupe vêtus tels des prisonniers sont éliminés un à un par un assaillant armé. Durant le massacre, ils continuent malgré tout de rire et de sourire: l’humanité ne serait pas consciente de son impact sur la planète qu’elle continue d’exploiter. Le morceau Mars For The Rich appuie l’idée que les plus riches auront la possibilité de vivre sur Mars pendant que les plus pauvres continueront de vivre dans un monde dépouillé. Tous ses évènements nous renvoient à ceux se déroulant durant Nonagon Infinity où des voyageurs partis à la recherche de l’immortalité, compromettent l’avenir de la planète.

Avec ces quelques théories, on peut résumer toute la portée que peut atteindre le Gizzverse. Mais il ne s’agit que des grandes lignes proposées par une discographie abondante où toute musique peut avoir sa signification dans un tout pensé par une bande d’Australiens aussi déments que réfléchis. Nous aurions par exemple pu explorer plus en profondeur le somptueux Polygondwanaland, que certains considèrent comme le préquel aux événements se déroulant dans Nonagon Infinity et Murder Of The Universe.

Et Chunky Shrapnel?

À l’heure actuelle, encore beaucoup de mystères planent autour de ce film-concert. La tracklist dévoilée sur les réseaux sociaux nous laisse penser que de nouveaux morceaux pourraient être présentés, comme Quarantine ou Anamnesis. Le titre Parking, tiré du live ayant eu lieu à l’Ancienne Belgique en octobre, pose également question. Une mise en scène a-t-elle eut lieu dans le parking de la mythique salle bruxelloise ou s’agit-il d’un simple moment de vie entre sept potes qui cherchent à nous faire spéculer d’avantage?

Chunky Shrapnel Tracklist from r/KGATLW

C’est sans doute ça qui plaît tant aux fans de King Gizzard and The Lizard Wizard: une recherche perpétuelle de signification dans chaque indice laissé par le groupe. Sur base de cette particularité, c’est tout un culte qui s’est construit autour. Pour autant, John Angus Stewart déconstruit ce mythe dans une récente interview accordée à NME. Dans le film, il met au centre la musique et montre les membres tels qu’ils sont réellement : sept mecs normaux.

En attendant, Chunky Shrapnel sera dévoilé ce vendredi à minuit heure belge. Il sera disponible durant 24h pour ensuite sortir en édition vinyle le 24 avril. Le groupe organisera aussi une séance de questions-réponses sur Reddit durant la diffusion du film, de quoi peut-être lever certains mystères ou en ajouter de nouveaux…

Arno Goies

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