Valérie Lemercier en vraie-fausse Céline Dion: « J’ai juste pensé à m’amuser »

Valérie Lemercier, en Aline: "J'ai juste pensé à m'amuser". © JEAN-MARIE LEROY
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Aline, la comédienne signe un sixième long métrage gonflé, un vrai faux biopic sur Céline Dion qu’elle incarne avec respect et aplomb. Portrait.

Si elle a fait de la comédie son terrain de prédilection, on savait, depuis qu’on la découvrit en Béatrice de Montmirail dans Les Visiteurs, Valérie Lemercier capable de tout interpréter ou presque. De là à l’imaginer incarner un jour Céline Dion, il y avait toutefois un pas, franchi désormais avec Aline, son sixième long métrage en tant que réalisatrice (lire la critique). Et un curieux objet assurément, vrai faux biopic décalant légèrement la chanteuse québécoise, rebaptisée Aline Dieu pour la cause, histoire de s’autoriser une certaine licence créative. « Si je veux regarder vraiment ce qui s’est passé, je vais sur Wikipédia et ça suffit, nous confiait l’actrice-réalisatrice il y a quelques mois lors d’une conversation par Zoom. On ne peut pas consacrer trois ans à faire un film sans y mettre un peu de son imagination, un peu de ses rêves, un peu de ses fantasmes, un peu de ses obsessions. Le fait d’avoir un peu décalé me permet de ne pas avoir un frère de Céline Dion qui va surgir pour me dire qu’en 1992, il portait un pull bleu et pas un pull vert. Si on n’y met pas un peu de soi-même, ce n’est pas drôle. Et moi, cela ne m’intéresse qu’à moitié si je n’ai pas un point de vue. » Celui qu’elle adopte, et qui gravite autour de l’histoire d’amour hors norme de la superstar avec sa famille et avec René Angélil (nommé Guy-Claude à l’écran), se veut à la fois respectueux et vaguement ironique, comme lorsqu’elle expédie une Céline Dion -pardon, Aline Dieu- bien déphasée dans les rues de Las Vegas, pour une rencontre surréaliste avec des sosies d’Elvis. « Comme on est dans un film, on peut lui faire faire des choses. Cela m’a frappée qu’elle n’ait pas mis un pied dehors à Las Vegas en y ayant passé seize années, moi qui, dès que j’arrive dans une ville, que ce soit Tokyo, Bruxelles, ou New York, vais voir à 5 heures du matin comment c’est à l’extérieur. Quelque part, moi, j’aurais voulu voir, et elle ne peut pas, elle est trop connue: je lui fais faire des choses que j’aurais aimé faire, c’est pour cela que je la fais déambuler à Vegas le matin. »

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La solitude de l’after-show

Ces quelques pas de côté mis à part, Valérie Lemercier s’en est tenue à une ligne plutôt fidèle, de l’enfance dans une fratrie de quatorze enfants à l’irrésistible envolée vers le succès planétaire. Peut-être, comme elle le concède bien volontiers, parce que sa démarche était teintée d’admiration pour son modèle. « Je n’ai pas forcément envie d’aller là où on voudrait que j’aille, et je ne me sens pas obligée de faire rire, observe-t-elle. Si les gens s’attendaient à ce que je me moque d’elle, cela n’a jamais été mon intention, d’autres l’ont fait, avec plus ou moins de finesse. Il y a bien sûr des éléments drôles dans le film, mais je ne voulais pas être dans la parodie ni la moquerie. Je voulais rendre hommage à tous ces personnages, ses frères, ses soeurs, cette famille, et quelque part un peu aussi au Québec. À la famille québécoise et à une façon d’être qui est finalement assez différente, un peu exotique pour nous. » Non sans souligner aussi les points de convergence, ces similitudes pouvant, toutes proportions gardées, la rapprocher de l’interprète de My Heart Will Go on: « J’ai passé 30 ans de ma vie sur scène, donc je connais les repas avalés seule devant un miroir et la solitude de l’after-show. Je connais aussi les familles nombreuses et la vie rurale (Valérie Lemercier a grandi dans une famille d’agriculteurs aisés de Seine-Maritime, NDLR). Et je sais ce que cela signifie d’avoir été une petite fille ingrate, on va dire, il y a beaucoup de choses qui m’ont touchée. Je n’ai pas cherché à surprendre, j’ai essayé d’être sincère. »

Sa relation au Québec, Valérie Lemercier confesse qu’elle avait commencé sur un malentendu: « J’y ai connu une expérience malheureuse. Je suis allée jouer mon premier spectacle au Québec. Un concours de circonstances a voulu qu’Air Canada ait acheté toutes les places pour les offrir à son personnel. Ils pensaient tous voir Claudine Mercier, une imitatrice qui n’est pas moi, et, je ne vous mens pas, tout le monde a quitté la salle pendant le spectacle, et je me suis retrouvée seule. C’est la première fois que cela m’est arrivée, et je n’ai jamais voulu remettre les pieds au Québec, pas même pour Les Visiteurs ou Palais Royal! Pour moi, c’était un pays maudit où je n’avais pas le droit d’être. » Un souvenir douloureux que lui aura donc permis de conjurer Aline. Pas rancunière, mais aussi soucieuse de mettre toutes les chances de son côté et d’asseoir sa légitimité sur ce coup-là, la comédienne a choisi de s’entourer d’une équipe et de comédiens du cru. Sans toutefois pousser le zèle jusqu’à tourner les scènes de concert (où Victoria Sio lui prête sa voix) sur place: « J’aurais eu honte de faire les shows devant un public de Québécois, j’aurais été sous terre. On a tourné ces scènes en France et en Espagne, mais pas au Québec. Je sais que là-bas, je suis attendue avec une brique et un fanal comme ils disent, et c’est normal, c’est leur trésor national. Mais j’ai tout fait pour ne pas la trahir. » Au prix d’un numéro de contorsionniste qui en fait une Aline/Céline crédible à tous les âges, pas l’élément le moins stupéfiant de ce biopic insolite…

Aline, de et avec Valérie Lemercier. Avec Sylvain Marcel, Danielle Fichaud, Roc Lafortune. 2 h 03. Sortie: 10/11. ***(*) Lire notre critique.

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