Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

À LA FOIS ÉCRIVAIN FOU DE DESSIN ET DESSINATEUR PASSIONNÉ D’ÉCRITURE, LE FRANÇAIS FRED BERNARD AJOUTE UNE BRIQUE À SA SAGA JEANNE PICQUIGNY.

La Paresse du panda

DE FRED BERNARD, ÉDITONS CASTERMAN, 384 PAGES.

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Après l’Afrique, Cuba, l’Inde ou l’Himalaya, voilà que la Chine ouvre ses portes aux folles aventures de Jeanne Picquigny, une des héroïnes les plus atypiques de la bande dessinée -malgré ses nombreuses références assumées, de Corto Maltese à Adèle Blanc-Sec en passant par Jack London ou Melville-, la sensualité et la légèreté de Fred Bernard en plus. Fred Bernard, star de l’édition jeunesse en tant que scénariste de François Roca, avec qui il truste prix et honneurs, mais aussi valeur sûre de la bande dessinée contemporaine, à laquelle il se consacre essentiellement et, depuis treize ans, à travers la saga familiale des Picquigny, « mes Rougon-Macquart« . Une saga rocambolesque et littéraire, au dessin noir et blanc faussement naïf, toujours légère, même dans le tragique, et surtout marquée par la figure de deux femmes libres, Jeanne Picquigny, aventurière des années 20 malgré son mari et ses enfants, et Lily Love Peacock, sa petite-fille qui s’évade, dans les années 2000, de sa vie de chanteuse pop-rock en relisant les carnets de Jeanne… Deux époques, un tourbillon d’allers-retours et une multiplicité de personnages à nouveau réunis dans un nouveau pavé, le cinquième, après La Tendresse des crocodiles, L’Ivresse du poulpe ou La Patience du tigre, tous bientôt réédités, enfin, sous la même collection -la saga de Jeanne fut entamée au Seuil, avant de renaître dans la collection Ecritures de Casterman, aujourd’hui disparue. Bref, un petit événement pour les fans et de Jeanne, et de Fred Bernard, qui a réglé depuis longtemps ses problèmes d’identité: « Ce sont les histoires qui m’ont mené à l’écriture et au dessin. L’amour des histoires. Dans ma famille, il y a pas mal de griots, on aime raconter. »

Mémoire et imagination

La famille de Fred Bernard, justement, est citée à chaque phrase prononcée par l’auteur au moment de notre rencontre, et hante tous les personnages de la saga, fût-elle rocambolesque, empreinte de magie et vraiment de pure fiction: Jeanne elle-même porte le prénom de sa propre grand-mère, à la vie aussi trépidante et dramaturgique que son homonyme. Et pourtant, Fred Bernard continue de préférer la fiction à l’auto-fiction. « J’en ai un peu tâté avec Ursula, paru il y a quatre ans, mais… j’écris des choses que j’ai envie de lire, et je ne vais pas raconter quelque chose que je connais déjà dans son entier. Je connais l’histoire de ma famille. Ça m’habite, ça nourrit mon oeuvre, mais je préfère avoir tous les ingrédients sur mon étagère et préparer ma propre recette. Ici, la fin de Jeanne, je ne la connais pas, il n’y en aura peut-être jamais, j’y passerai sans doute ma vie. Et puis il n’y a pas beaucoup de différences entre mémoire et imagination. Des souvenirs, on s’en invente. »

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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