7 séries black qui ont secoué la télé

Nicolas Bogaerts Journaliste

En quatre décennies, les séries afro-américaines ont proposé une vision originale de la société dans laquelle évolue la communauté black, à l’instar d’Atlanta. Petit tour d’horizon subjectif.

La populaire: The Bill Cosby Show (1984-1992)

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Trente ans avant d’être condamné comme prédateur sexuel, Bill Cosby était la coqueluche des Américains et régnait sur les audiences télé avec son Cosby Show, centré sur le quotidien d’une famille de la classe moyenne afro-américaine. Cette sitcom, en plus d’avoir complètement relancé un genre en déshérence, a inauguré une lignée de séries populaires centrées sur un casting à majorité noire, et convaincu les chaînes télé que ces histoires et leur succès dépassaient la couleur des audiences. Cosby a réussi à faire de cette famille de Brooklyn, largement inspirée de la sienne, un pivot fédérateur de la culture populaire. Ses aventures ont bénéficié d’une longévité, d’une fidélité et d’une pertinence peu communes dans l’Histoire de la télé.

L’optimiste: Arnold et Willy (1978-1986)

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« Il faut de tout pour faire un monde. » Le générique de cette sitcom familiale, dont la popularité va déborder jusqu’en Europe, résumait bien ce qu’elle entendait célébrer: la mobilité sociale et la différence. Après le décès de leur mère, deux frères issus de Harlem, Arnold et Willy, sont recueillis par un milliardaire blanc, Philip Drummond, et sa fille. Leur quotidien dans le penthouse avec vue sur Central Park va mettre en scène, avec force humour et grimaces du petit prodige Gary Coleman (Arnold) les questions de drogues, de violence familiale, de racisme, d’inégalités, de troubles alimentaires… Bien que mixte, la sitcom a mis en évidence les stéréotypes dont souffrent toujours les Afro-Américains.

La plus cool: Le Prince de Bel Air (1990-1996)

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Elle a marqué les années 90 et lancé Will Smith sur orbite, avec son explosion d’humour funky et fluo: un jeune ayant troqué son ghetto de Philadelphie pour la riche banlieue de L.A. bouleverse le quotidien de son oncle et de sa famille embourgeoisée. Dans le manoir familial, Will déjoue les codes rigides avec sa personnalité singulière, son sens de la punchline et un talent inné pour mettre les pieds dans le plat. La série et ses répliques cultes ont explosé les barrières de couleur et les référents culturels pour s’imposer à toute une génération, rendre populaire les codes du hip-hop de la culture afro, et mettre en valeur l’humour ravageur d’un type qui riait en prime time à la tronche des racistes de tous poils.

La politique: Dear White People (depuis 2017)

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Adapté du film du même nom, cette série suit les diatribes de Samantha White (Logan Browning) et les débats de son entourage. Elle est métisse, étudie la sociologie des médias, s’inquiète du racisme largement inconscient, du phagocytage de la culture noire et anime une émission à la station radio de sa fac où elle interpelle celles et ceux de sa génération, notamment les « pauvres Blancs martyrisés » sur des questions plus que jamais brûlantes. Chaque épisode est l’occasion de mettre en valeur le vécu et les stratégies d’Afro-Américains pour faire face aux tensions raciales et avancer dans leur vie d’adulte. Bourrée d’humour et d’intelligence, la série manie les notions, désormais coutumières des débats, d’oppression, de biais, de post-colonialisme, de privilège, d’appropriation culturelle… Sus au whitesplaining!

La féministe: Insecure (depuis 2016)

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C’est sans doute la série la plus pertinente, intelligente, drôle et subrepticement percutante sur l’idée de communauté racisée et elle reste cruellement méconnue chez nous. Sa créatrice et actrice principale, Issa Rae, y décrit la vie de personnages afro-américains loin des codes habituels de la télévision américaine. Avec finesse, elle démontre les stratégies multiples des Noirs, ici présentés comme une « communauté » multiple et hétéroclite, pour tenter d’exister dans un pays qui les voit encore comme une menace, une distraction, un exotisme. À travers les amours contrariées et le quotidien piégeur de son personnage principal, Insecure est un témoignage et une observation sociologiques précieux de l’expérience black au pays de l’Oncle Sam et de l’Oncle Tom. Et la matérialisation, au coeur d’un récit télévisuel, de la notion d’intersectionnalité.

La sulfureuse: Empire (depuis 2015)

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Dans cette série centrée sur le business du hip-hop et ses fantasmes multiples, Terrence Howard incarne Lucious Lyon, ancien dealer sauvé par un succès foudroyant. Il a construit sa maison de disques, Empire Records, un label solidement ancré dans le game et qui accumule les succès et les millions. Sachant ses jours comptés, il met en compétition ses trois fils pour sa succession, alors que sa femme, tout juste sortie de prison, entend bien tirer les marrons du feu. Peuplée de mensonges et de coups bas, la série est la première à décrire le milieu du hip-hop, ses stéréotypes, les enjeux liés à sa place dominante dans la culture populaire, et dresse aussi le bilan des idées reçues à son endroit, nourries par ceux qui ne la connaissent que de très loin.

L’inédite: Black-Ish (depuis 2014)

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Pas encore diffusée chez nous, Black-Ish est l’aboutissement de quatre décennies d’expériences télévisuelles, culturelles, sociales et politiques de la communauté afro-américaine. Une réflexion féconde, à la sortie du double mandat d’Obama, sur le sort réservé à ses membres, sur fond de retour de flamme suprématiste récent. Andre Johnson (Anthony Anderson) est un cadre publicitaire que son niveau de vie confortable autorise à vivre dans un quartier huppé à majorité blanche, avec sa femme et ses enfants. Mais voilà: malgré une patte économiquement blanche, sa couleur de peau fait toujours tache et enclenche une série de situations qui appuient là où ça fait mal dans une Amérique pas franchement post-raciale, tout en offrant de solides tournées de rires. Comment se définir en tant qu’humain en dépassant ou soulignant le rejet et la méfiance collée par autrui à son identité? Comme la plupart des séries afro-américaines, Black-ish répond par l’adaptation créatrice et la conscience sociale.

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