Robert Redford, l’adieu aux armes

Dernier coup dans le mille pour Robert Redford dans The Old Man and the Gun. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Un grand du 7e art tire sa révérence. Sex-symbol des années 70, réalisateur de talent, Robert Redford milita aussi pour le cinéma indépendant.

« Certains font une psychanalyse, moi j’ai l’Utah« , lâche-t-il parfois avec un grand sourire. Robert Redford va désormais pouvoir profiter plus encore des beaux paysages montagneux de l’État de l’ouest des USA dont il tomba amoureux en même temps que de sa femme Lola, qui en était originaire. Il y tourna le magnifique Jeremiah Johnson (en 1970) et y créa (en 1978) le Sundance Film Festival, sur un domaine skiable qu’il avait acheté au début de la décennie avec son salaire de Butch Cassidy and the Sundance Kid… Le grand acteur et réalisateur s’est exprimé clairement: il ne tournera plus après The Old Man and the Gun (lire notre critique), ultime étape d’une filmographie riche de nombreux triomphes artistiques et populaires. Redford nous quitte avec un clin d’oeil, dans un petit polar intimiste aux accents d’oeuvre testament, mais mené sur un mode ludique et sans les lourdeurs généralement associées à pareille entreprise. À 82 ans, la star des années 70 et 80 a bien réfléchi à sa sortie. Comme à tout ce qu’il aura entrepris. Ses choix, et même ses refus comme ceux des rôles principaux de The Graduate (au profit de Dustin Hoffman) et Barry Lyndon (que jouera Ryan O’Neal). Et jusqu’à la décision d’accepter les marques du vieillissement, y compris ces rides qui envahirent peu à peu son visage sans altérer son charme, alors que son complice de The Sting et Butch Cassidy and the Sundance Kid, Paul Newman, se faisait sur le tard adepte de la chirurgie esthétique avec des résultats navrants…

Indépendance

S’il tourna des films dès le début des années 60, tout en brillant au théâtre (Barefoot in the Park) et en apparaissant dans des séries télé, c’est au milieu de la décennie que Redford entama son irrésistible ascension. Inside Daisy Clover de Robert Mulligan, The Chase d’Arthur Penn et Butch Cassidy and the Sundance Kid de George Roy Hill le virent briller avant que le début des seventies le consacre avec The Hot Rock (Peter Yates), The Candidate (Michael Ritchie), Jeremiah Johnson et The Way We Were (Sydney Pollack), The Sting (George Roy Hill), The Great Gatsby (Jack Clayton), Three Days of the Condor (Pollack encore) et All the President’s Men (Alan J. Pakula). Pour la plupart des films de genre, qu’il s’agisse de polars, de westerns ou de thrillers politiques. Et des oeuvres abordant volontiers des sujets brûlants comme les dérives de la classe politique, les manoeuvres de la CIA et bien sûr le scandale du Watergate dans le Pakula, où Redford et Dustin Hoffman jouent le tandem de journalistes du Washington Post Bob Woodward/Carl Bernstein, ceux-là mêmes dont les révélations provoquèrent la chute du président Nixon…

Les années 70 furent celles d’un passage de pouvoir entre des grands studios en crise et des réalisateurs affichant leur indépendance tout en remplissant les salles. Redford y trouva aisément sa place, comme acteur puis en tant que réalisateur. Dans une position militante aussi, quand il créa le Festival de Sundance et l’Institut du même nom, et en fit le coeur de la création cinématographique indépendante. Ou lors d’actions pour ses causes d’élection: les Native Americans (les descendants des peuples indiens), la prise de conscience écologique et les droits des minorités LGBT. Le séducteur épanoui dans l’âge mûr d’Out of Africa (1985) n’ayant jamais cessé d’affirmer sa sensibilité anti-conservatrice.

Des gens ordinaires

Alors qu’il a occupé les sommets du box-office et de la reconnaissance critique durant plus d’une décennie, Redford n’a jamais reçu l’Oscar du meilleur acteur (on lui en offrit un « d’honneur », traduisez « de consolation », en 2002). Et il ne fut nommé qu’une seule fois, en 1973, pour The Sting. Comment expliquer cette absence sinon par le style et le jeu éminemment discrets d’un comédien n’ayant jamais tâté de la méthode Actor’s Studio ni cherché le « rôle à Oscar », l’hyper-performance, qui permit à quelques-uns de ses contemporains d’emporter la statuette? En regard des exploits couronnés d’un Dustin Hoffman (Rain Man), d’un Marlon Brando (The Godfather), d’un Jack Nicholson (One Flew Over the Cuckoo’s Nest), d’un Jon Voight (Coming Home) ou d’un Robert De Niro (Raging Bull), le beau Robert n’a jamais joué de personnage extrême ni tenté une composition borderline. Il aima surtout jouer des êtres ordinaires confrontés à des situations extraordinaires. Des Ordinary People, pour citer le titre de son premier film en tant que réalisateur. Un film qui connut un triomphe aux… Oscars, remportant quatre statuettes dont celles récompensant le meilleur film et le meilleur réalisateur! Cette chronique de la décomposition d’une famille bourgeoise sous le coup de la mort d’un fils est d’une sobre mais impressionnante modernité. Redford y filme comme il jouait pour la caméra des autres: sans effet ni afféterie, recherchant la justesse dans la simplicité. Il allait ajouter huit autres réalisations à ce remarquable début, notamment The Horse Whisperer, son plus grand succès commercial derrière la caméra. « En tant que réalisateur, je ne m’aimerais pas comme acteur, et en tant qu’acteur je ne m’aimerais pas comme réalisateur« , déclara-t-il un jour avec un soupçon de modeste ironie. Pourtant, l’un et l’autre ne cessèrent de porter les mêmes valeurs.

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