Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

LES UCHRONIES FONT LES BEAUX JOURS DE LA COLLECTION FRANÇAISE « SÉRIE B ». DU PUR DIVERTISSEMENT QUI DÉTOURNE L’HISTOIRE POUR FINALEMENT MIEUX L’ABORDER.

Jour J (tome 20) – Dragon Rouge

DE DUVAL, PÉCAU ET DENYS, ÉDITIONS DELCOURT, 56 PAGES.

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USA über alles (tome 1)

DE PÉCAU, MAZA ET VERNEY, ÉDITIONS DELCOURT, 56 PAGES.

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Et si l’armée française avait été sauvée du piège de Diên Biên Phù par une frappe nucléaire américaine sur la Chine? Et si Hitler était mort dans un attentant et qu’une paix séparée entre les alliés et l’Allemagne avait ouvert la voie à une guerre contre l’URSS? Et si votre serviteur avait apprécié les collections de timbres plus que la bande dessinée? Le sort du monde, ou plus modestement de votre Focus, en aurait peut-être été changé. Tel est le principe de l’uchronie -réécrire l’Histoire en modifiant un événement du passé- et le moteur d’une véritable collection de BD de genre d’ailleurs baptisée Série B mais pas nécessairement SF, chez l’éditeur français Delcourt. Ainsi la collection « Jour J », lancée il y a cinq ans, et déjà forte de 20 titres, revisitant en un seul album une date clé de l’Histoire, contemporaine ou non. Cette fois donc, direction 1954 et ce qui était encore l’Indochine, où les scénaristes Pécau et Duval, spécialistes du genre, remplacent la défaite française par un nouvel équilibre mondial faisant de la Chine le nouvel ennemi mondial. Mais point ici de géopolitique complexe: même si les auteurs en profitent pour se payer la tête de Ronald Reagan dans cette nouvelle réalité, ils usent en réalité de ce subterfuge uchronique pour donner corps à un pur polar hard boiled, avec détective et femme fatale. Mais dont l’originalité est désormais assurée par ce nouvel arrière-fond politique et ces nouvelles années 50. Malin à défaut d’être brillant.

Bon prétexte

Plus profond, pas moins délassant, la collection accueille cette fois une trilogie baptisée -excellent titre- USA über alles. Ce devait être un one-shot de la collection « Jour J », mais la richesse de l’uchronie (Hitler est vraiment mort dans l’attentat qui le visait, l’Allemagne est désormais alliée de la France et de l’Angleterre contre l’URSS) a poussé auteurs et éditeur à en tirer une véritable mini-série, non dénuée comme le veut le genre de crédibilité: un pilote français échappé d’un bagne soviétique retrouve son ancien patron, l’avionneur Marcel Dassault, pour mettre au point un nouveau bombardier américain. Mais le doute s’installe: et si ce pilote était en réalité un agent soviétique? Si, à nouveau, l’uchronie n’est qu’un prétexte pour dépoussiérer par la bande un genre très codifié -ici, le récit de guerre et d’espionnage-, il faut bien l’avouer: ça marche, malgré un dessin réaliste un peu guindé et aux antipodes de nos habituels petits plaisirs de lecture. Le pitch, quant à lui, rappelle furieusement la mini-série confidentielle Block 109, qui imaginait elle aussi, il y a six ans, une Seconde Guerre mondiale bouleversée par l’assassinat cette fois réussi du Führer. La suite n’a par contre rien à voir. Comme quoi l’uchronie est un genre riche, loin d’être épuisé en BD.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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