Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

FACE AU SUCCÈS, LE ONE-SHOT S’EST TRANSFORMÉ EN MINI-SÉRIE: TYLER CROSS REVIENT ET SURPREND; CE DEUXIÈME OPUS EST ENCORE MEILLEUR QUE LE PREMIER!

Tyler Cross (tome 2)

DE FABIEN NURY ET BRÜNO, ÉDITIONS DARGAUD, 100 PAGES.

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On le disait la semaine dernière: le retour de Tyler Cross en cette rentrée BD était une bonne nouvelle, mais faisait craindre la redite. Depuis, on l’a lu, et on avoue s’être trompé: ce deuxième opus du gangster hard-boiled de Fabien Nury servi par le dessin pop et synthétique de Brüno ne se répète pas; il magnifie au contraire une formule déjà gagnante. Si le premier s’emparait des codes du polar dit classique -les USA, les fifties, un anti-héros taiseux et charismatique, des mafieux siciliens, des femmes fatales et des crimes qui tournent au fiasco-, le deuxième enfonce le clou, et le fait pénétrer plus profondément encore dans la petite histoire de la bonne BD, à la fois populaire et pointue, en s’attaquant à un autre (gros) cliché du genre, à savoir la prison.

Après un nouveau coup tordu, sa grande spécialité, Tyler se retrouve condamné à 20 ans de réclusion à Angola, bagne de Louisiane, et ce, avec une espérance de vie qui ne devrait, elle, pas dépasser les 20 jours: la Mafia l’y attend et compte bien transformer son séjour longue durée en city-trip définitif. Tyler n’a donc pas le choix: d’abord survivre. Ensuite, sortir. Un cas d’école et un scénario qui ne lui évite aucune des figures du genre: miradors, chiens de garde, mitard, soleil de plomb, marais, jusqu’au patron des lieux particulièrement salopard, et jusqu’à son épouse, belle, délaissée et grande consommatrice de détenus aux dates de péremption limitées. Une succession de clichés et de partis pris rétro et casse-gueule -jusqu’à la « voix off » qui parcourt tout le récit- qui font paradoxalement la qualité et tout le sel de ce deuxième opus.

Symbiose parfaite

Avec un autre dessin, et un autre scénariste, cette BD de genre tellement fidèle au genre se serait probablement crashée en quelques planches. Mais le talent de narrateur de l’un et le dessin si personnel de l’autre la transforment au contraire en pur plaisir de lecture. Car les deux hommes désormais se connaissent bien -ce deuxième Tyler Cross est leur troisième collaboration, entamée avec le déjà impressionnant Atar Güll– et savent pouvoir s’appuyer sur leur talent respectif. L’écriture cinématographique et violente de Nury se nourrit à fond des mises en scène extrêmement visuelles de Brüno, et Brüno sait qu’il peut s’appuyer presque aveuglément sur le scénario et la narration de Nury, implacable d’efficacité. Le tout donne un album qui se lit d’une traite malgré ses 100 pages, avec d’intenses moments graphiques et des séquences qui atteignent presque à la perfection du genre. Et à la symbiose parfaite entre une narration faussement classique, un dessin très contemporain, et un plaisir non feint de renouveler la BD de genre. Vivement le troisième.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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