Habituée aux personnages traumatisés, la comédienne anglaise Keeley Forsyth invite à se promener dans les limbes. Dark angel.
« Comment l’actrice de Happy Valley est-elle devenue la nouvelle Scott Walker« , s’interrogeait il y a deux ans le quotidien britannique The Guardian à la sortie de Debris, le premier album de Keeley Forsyth. La comédienne n’a certes joué que dans deux épisodes de la série policière anglaise qui inspectait les vallées du Yorkshire, mais elle a accouché d’un disque noir et possédé réveillant au féminin le fantôme de l’auteur, compositeur et interprète américain naturalisé anglais tout juste décédé.
Keeley Forsyth est arrivée sur terre en 1979 à Oldham dans le Grand Manchester. Elle est l’aînée de cinq enfants et a été élevée par sa grand-mère (une infirmière en psychiatrie) étant donné l’âge peu avancé de ses parents. Avant de chanter, elle a été comédienne. Elle a commencé le théâtre à 8 ans au même endroit que son demi-frère Kelvin Fletcher (Emmerdale). Et à 16 printemps seulement, décrochait un rôle régulier dans la série pour enfants The Biz avant de multiplier les apparitions à la télé. La musique obsède toutefois depuis longtemps cette jeune quadragénaire jadis bercée par des comédies musicales et les albums de Doris Day. Forsyth prend d’ailleurs des cours avec une chanteuse d’opéra locale et postule sans succès dans le West End londonien. Après la naissance de ses filles et la séparation d’avec leur père, elle fait la rencontre d’Adrian Flanagan et Dean Honer (The Eccentronic Research Council, The Moonlandingz), travaille avec eux sur les démos de ses premières chansons et joue dans des films expérimentaux (Edge) et un blockbuster Marvel (Guardians of the Galaxy).
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Travailleuse du sexe (Happy Valley), accro à l’héroïne (The Casual Vacancy, Waterloo Road)… Forsyth joue souvent des personnages traumatisés au bout de leur vie. Des rôles qui ne la laissent pas indemne. En 2017, gagnée par la panique, atteinte mentalement et physiquement, elle est incapable de bouger sa langue pendant un mois… Elle reprendra pied avec la musique. Un folk sombre, hanté et expérimental. Limbs ne compte que huit morceaux et n’est pas bien long (28 minutes montre en main) mais en termes d’intensité, on peut incontestablement parler d’album. Un disque noir, froid et mystique, fabriqué avec Matthew Bourne et Ross Downes. Fortement marquée par Antonin Artaud et Pina Bausch, Keeley Forsyth ancre son album dans la réalité mais emmène dans les limbes. Cet état de l’au-delà situé aux marges de l’enfer, ce sort incertain et flou. Les chansons n’ont plus atterri dans sa tête: elles se sont glissées dans son corps. Son corps et cette voix, fascinante, inquiétante, androgyne, qui renvoie à l’indicible. Quelque part entre Nico et Anohni… Ensorcelant.
Keeley Forsyth, « Limbs ». Distribué par The Leaf Label/Konkurrent. ****
Le 10/05 aux Nuits Botanique (Grand Salon).
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