Chant du cygne

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Avant de s’éteindre en décembre dernier, Mix & Remix exposait ses derniers dessins, purement artistiques. Des merveilles d’émotion et de minimalisme.

Mix & Remix. Derniers Dessins.

De Mix & Remix, Éditions Les Cahiers Dessinés, 240 pages.

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Il s’appelait Philippe Becquelin, mais le monde des dessinateurs de presse le connaissait et surtout l’appréciait sous le pseudo de Mix & Remix -surnom qui remonte à l’époque de ses études aux Beaux-Arts de Lausanne, lorsqu’il se met à peindre de grands formats en couleurs avec son épouse Dominique. Le nom est resté, pas le support: après des années de vaches maigres et de projets purement artistiques dans l’underground punk des années 90 en Suisse romande (oui, il y eut un underground punk en Suisse romande), Mix & Remix trouva sa voie dans le dessin humoristique, politique et surtout minimaliste faisant de son « homme universel » (« cet insecte à rostre volumineux qui tire la gueule ») une star internationale du cartoon. Mais ça, c’était avant qu’un cancer du pancréas ne vienne le frapper, et bientôt le faucher. Fameuse, lente et longue maladie qui fit revenir l’artiste à ses premières amours, qui le fit « renouer avec le geste paléolithique de ses débuts« : la recherche du trait pur, loin du strip et du gag, mais au plus près de son goût pour le minimalisme et l’essence même du dessin. De simples traits, les plus simples possibles, pour atteindre à l’essentiel et à l’universel. La grâce, certes hantée par la mort.

La mort et le chagrin

Ces Derniers dessins de Mix & Remix sont parfaitement résumés dans celui qu’arbore la couverture de ce superbe objet, autant que bouleversant: on y voit un autoportrait de l’artiste, constitué de deux traits et de deux points. Rien de plus, rien de moins, alors que comme le disent ses amis dans cet ouvrage ultime et hommage, « il peut tout dessiner: un François Hollande, un sommet des Alpes, une caverne préhistorique, un conseil d’administration« . Mais Philippe Becquelin, amateur comme un José Parrondo du plus extrême des minimalismes amusés, tenta toujours et au contraire de raconter le maximum avec le minimum. La preuve, s’il en fallait une, avec la centaine de dessins grand format qui habitèrent cette ultime exposition, et son dernier carnet de dessins, qu’il confia à son ami Frédéric Pajak, éditeur des Cahiers Dessinés qui publièrent, de son vivant, quatre de ses ouvrages (dont Gags et Regags). Le tout est réuni ici dans un livre aussi sobre que ses derniers faits de plume, de stylo-feutre et de stylo-bille, et évidemment tout aussi bouleversant. Si la mort hante chacun de ses ultimes traits, où l’artiste « libère son geste et débride son imagination jusque dans les bordures de l’inconscient », le chagrin, lui, perle à chaque page de ces Derniers Dessins malgré la fantaisie, désormais morbide, qu’ils continuent de véhiculer. Mix & Remix manquera.

Olivier Van Vaerenbergh

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