Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Ne vous fiez pas, comme d’autres, aux apparences. Une ligne claire épaisse et précise, des couleurs vives en aplats, une recherche évidente de l’épure et de la composition, même pour croquer une foule, et un talent qui vous colle d’emblée, à chaque image, une petite tape à l’oeil… Si la couverture et les grands dessins exclusifs de votre Focus de la semaine lui donnent des allures d’un New Yorker illustré par Chris Ware, c’est à un Lyonnais qu’on le doit: Aurélien Maury, la petite trentaine et la carrière encore bien trop discrète ancrée dans sa région, là où il a co-fondé en 2000 les éditions Tanibis. Aurélien Maury -et non Terrence A. Maury, né en 1973 près de la ville texane de Cotulla et élevé dans une ferme d’élevages porcins, comme le renseigne un court CV sur le site-maison… Même si beaucoup l’ont cru au moment d’évoquer son premier album, remarquable et remarqué, paru en 2011, Le Dernier Cosmonaute. « C’était une blague qui a été prise au premier degré, on a été les premiers surpris!, en rigole encore l’intéressé. Il fallait une petite bio, je n’avais pas envie de m’étaler, et comme on m’avait déjà fait remarquer ce « cousinage » entre mon dessin et une certaine BD américaine, j’ai brodé autour de ce personnage qui dessinait en amateur au dos des boîtes de céréales et qui exposait dans la cafétéria du coin… » Mais Le Figaro ou même des sites BD comme BD Gest n’y ont vu que du feu, et répandent encore la légende de Terrence A. Maury sur la Toile. « Je n’ai jamais osé les appeler pour démentir. Mais ça m’a aussi joué des tours: dans un petit salon BD, l’adjoint du maire m’a reçu en parlant anglais, et dans un lycée, des gamins qui faisaient un exposé se sont sentis obligés de le traduire pour moi. J’étais très gêné. »

Goût de l’épure

Aujourd’hui, Aurélien Maury signe de son vrai nom, contrairement à son co-scénariste, éditeur et complice Gilbert Pinos, un nouvel album toujours chez Tanibis baptisé Egg. Le récit SF, rapide et corrosif « d’une sorte de Flash Gordon décalé, misogyne et machiste qui change de sexe au cours de l’histoire« , qu’il s’agira surtout de parvenir à dénicher chez votre libraire: outre qu’il y aura peu d’exemplaires (petite maison faisant), Egg est surtout tout petit! Un mini-format de 11 sur 14 cm, « qui rappelle les mini-récits et les BD Pocket de genre, style western ou SF, que j’aime bien collectionner. C’était aussi une contrainte séduisante. » Le format lui donne effectivement l’occasion de « poursuivre un style » ou d’être « en quête du dessin parfait » dans une tradition de ligne claire mêlant Hergé, Chris Ware, Clowes ou Jason, « avec des dessins qui sont au service de l’ambiance, attachés au récit, avec un découpage clair, lisible et qui cherchent l’efficacité dans l’épure« . Graphiste, animateur et intermittent, Aurélien Maury n’envisage pas encore de faire de la BD un métier. « C’est mon espace à moi, quelque chose de sacré. Vivre de la BD, c’est compliqué. Mais ne pas en vivre, c’est aussi se donner beaucoup de libertés quand on en fait. »

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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