Critique | Livres

Le livre de la semaine: Elmore Leonard, un maître à écrire

Elmore Leonard © DR
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ESSAI | Laurent Chalumeau rend hommage à Elmore Leonard, le « king of cool » et « maître à écrire » de beaucoup. Un livre passionnant, même sans être un intime du Dutch.

Le livre de la semaine: Elmore Leonard, un maître à écrire

C’est beau, un écrivain qui aime un autre écrivain. Et le Français Laurent Chalumeau aime l’Américain Elmore Leonard. Beaucoup. Au point de lui consacrer un essai, moins de deux ans après sa mort et quelques années après le tournage d’un documentaire… qui ne trouva jamais de diffuseur francophone. Or Leonard a aux Etats-Unis le même statut qu’un San Antonio en France; une position d’auteur à la fois populaire et apprécié des critiques. Mieux, des écrivains! « Elmore Leonard était le « king of cool ». Comment ne pas avoir envie de devenir ça? », se demandait ainsi Michael Connelly, un auteur parmi tant d’autres sous haute influence du Dutch, décédé en 2013 après 60 ans d’écriture et 45 romans, essentiellement des westerns et des polars. Car Chalumeau décortique et prouve dans son enthousiasmant essai ce que tous les lecteurs de Leonard savaient déjà: son écriture a considérablement influencé des générations d’écrivains, pas seulement américains. Son écriture, et ses célèbres « 10 règles d’écriture » rédigées un soir de l’an 2000 sur un bout de papier jaune pour un speech universitaire (et qui deviendra ensuite, lui aussi, un livre): « Laissez de côté les passages que les lecteurs ont tendance à sauter. Ne commencez jamais un livre par le temps qu’il fait. Ne commencez jamais par un prologue. N’utilisez jamais un autre verbe que « dire ». N’employez jamais d’adverbe. Et si ça paraît écrit, réécrivez-le. » Des règles devenues presque plus fameuses que ses livres, mais que son premier fan français remet enfin en perspective. Dans un essai passionnant, foutrement bien écrit et d’une drôlerie folle. Presque autant que son modèle.

Polar feel good

Avant de vivre de l’écriture, Elmore Leonard s’est pendant des années levé aux aurores, a lu un passage de L’Adieu aux armes d’Ernest Hemingway et a rédigé quelques pages avant d’aller bosser (dans la pub). Et s’il a mis près de 20 ans pour enfin connaître le succès, ce qui l’a vacciné à vie contre la grosse tête, Leonard avait aussi pris le temps de développer sa petite musique, inventant presque le principe de « polar feel good », avec des bad guys plus débiles que méchants, des héros cool à défaut d’être irréprochables et une narration basée sur les dialogues, exfiltrant l’auteur. « Un laconisme inversement proportionnel à sa puissance évocatrice », résume Chalumeau. Et surtout, avec un humour ravageur parce qu’à froid. « Ses personnages, et c’est là le secret, ne sont jamais aussi drôles que lorsqu’ils font de leur mieux pour afficher un sérieux papal. C’est vieux comme le monde, et ça ne rate jamais: l’abruti qui se croit très finaud, l’ignare qui verbalise, l’imbécile sentencieux, l’analphabète pédant? L’hilarité s’ensuit. » Comme l’écrit encore son admirateur français, « Il n’y eut pas que les polardeux pour sentir le vent passer par les fenêtres qu’avait ouvertes Elmore ».

Elmore Leonard, un maître à écrire, de Laurent Chalumeau, éditions Rivages/Écrits noirs, 271 pages.

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