Emmanuel Guibert et Mathieu Sapin rouvrent leur boîte à Sardine

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Après six ans d’absence et par la grâce du lancement de leur série en animation, Mathieu Sapin et Emmanuel Guibert replongent dans l’huile de leur Sardine de l’Espace, la série jeunesse que les parents adorent aussi.

Jeunes parents ou futurs parents qui nous lisez (merci), prenez note: quand le ou la petit.e aura sept ou huit ans, et qu’il s’agira de lui faire découvrir de bonnes BD, ne cherchez plus! Après les séries de Peyo, après Jojo, et éventuellement avant Ariol (déjà scénarisé par Emmanuel Guibert) et Astérix, c’est de la Sardine qu’il vous faut! Et en particulier celle de l’espace, inventée il y a presque 20 ans par Joann Sfar et Emmanuel Guibert, rapidement rejoints aux commandes de la navette l’Hector Malot par Mathieu Sapin. Un incontournable des lectures familiales, puisqu’elle fait intelligemment marrer les plus jeunes, mais aussi bien rire les plus âgés. Comme l’expliquait Emmanuel Guibert, nommé cette année par ses pairs pour être le prochain président du festival d’Angoulême, « rien que par son nom, Sardine implique un objet bien rempli, avec plein de petites histoires côte à côte, dense, avec de la chair, quelques arêtes et un conditionnement à l’huile d’olive plein de générosité« . Et surtout un humour et une philosophie qui s’expriment dans le verbe et d’infinis jeux de langage et de mises en abyme… Mais qui avait disparu des étals depuis plus de six ans! Un long arrêt que l’on pouvait penser définitif -dans Le Mange-manga, monstre qui bouffait littéralement la BD franco-belge, la petite bande annonçait elle-même prendre « un peu de vacances« – mais qui ne l’était donc pas: Emmanuel Guibert et Mathieu Sapin viennent de rouvrir leur boîte à Sardine, promettant à nouveau un album par an. Un redémarrage des moteurs et des planches qui s’explique surtout par le décollage de Sardine à la télévision: depuis mai dernier, MyCanal et Teletoon+ diffusent la série animée Sardine de l’espace, ambitieuse avec ses 52 épisodes de onze minutes déjà dans la boîte, et tous très proches -pour une fois!- de la graphie, des scénarios et de l’atmosphère fantaisiste de la série BD. « Ça aurait été vraiment dommage de ne pas accompagner cette diffusion en animation avec un nouvel album de BD« , avoue le dessinateur Mathieu Sapin depuis ses vacances portugaises. Un auteur toujours très attaché, comme son scénariste, à cette BD jeunesse « que l’on doit à Goscinny, et capable de parler aux enfants et aux adultes de manière différente. C’est à la fois très agréable, très exigeant et vraiment très stimulant« .

Emmanuel Guibert et Mathieu Sapin rouvrent leur boîte à Sardine

Une comédie avant Comédie

Retour à l’anormal donc pour le petit équipage du capitaine Épaule Jaune. Après nous avoir fait rencontrer La Reine de l’Afripe, L’Archipel des Hommes-Sandwichs et même des Zacariens dans les épisodes précédents, la petite Sardine et ses amis ont à nouveau affaire à l’infâme Docteur Krok, l’âme damnée de Supermuscleman, président dictateur général de l’univers! Krok a en effet inventé Archificelle, la petite fille la plus intelligente du monde, capable du pire: outre trois bombes redoutables, dont Mongette la bombe à gaz qui pète tout le temps et Enola triste, la bombe à néant, la gamine a créé Fesse-Time, qui permet de parler avec ses fesses, ou Espresso, un drône-espion qui s’avère de fait une excellente machine à cafter. Le tout dans un cosmos où toutes les joyeusetés sont permises -on y trouvera Déodoïde, un astéroïde collé au mur du cosmos, « qui se dévisse d’un quart de tour et répand dans l’univers une bonne odeur de vétiver » ou encore des drôles de « sushis à l’algue au rythme », à déguster au restaurant Parcourslurp. Seule différence importante avec les treize tomes précédents: « Puisque la série n’est plus publiée dans des mensuels, ce qui nous obligeait à réaliser des épisodes de dix pages, Emmanuel peut désormais se permettre des histoires plus longues« , souligne Mathieu Sapin. « Mais c’est toujours très agréable d’être son dessinateur: il me remet un storyboard très précis, rempli de cases blanches mais déjà avec des bulles et les textes, me laissant donc entièrement libre pour le dessin.C’est ensuite beaucoup de travail mais aussi très reposant. » Reposant puisque tout le contraire de ses autres travaux où il endosse toutes les responsabilités, dont ses désormais célèbres BD-reportages en « Campagne présidentielle » comme chez le président Hollande (Le Château, un an dans les coulisses de l’Élysée, en 2015) ou auprès de son ami Depardieu (Gérard, 2017). Un genre plus adulte et pour lequel il remet le couvert en octobre prochain avec Comédie française, « une chronique de la présidence Macron dans la continuité des albums précédents, en plus introspectif« , et dont on reparlera évidemment à sa sortie. « Mais ce n’est pas plus facile de faire de la BD jeunesse« , précise-t-il pour revenir à cette Sardine chère à son coeur. « C’est chaque fois un exercice délicat, qui demande beaucoup de métier. J’ai commencé chez Bayard avec des BD jeunesse, je continue régulièrement d’en faire par ailleurs (entre autres Akissi chez Gallimard sur un scénario de Marguerite Abouet, NDLR). Je prends très sérieusement ces BD pas très sérieuses. D’autant plus que sur Sardine , une aventure que j’ai rejointe plusieurs années après son lancement (d’abord en remplaçant Guibert au scénario, alors très pris, puis Joann Sfar au dessin) , je me sens toujours comme un invité dans leur univers. Et c’est un honneur qui demande d’être à la hauteur. »

Sardine de l’Espace, L’intelligence archificelle, t. 14, d’Emmanuel Guibert et Mathieu Sapin, Éditions Dargaud, 56 pages. ****

Emmanuel Guibert et Mathieu Sapin rouvrent leur boîte à Sardine

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