Critique | Livres

Chronique livre: Douglas Coupland – Génération A

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ROMAN | Coupland brosse le portrait presque définitif d’une génération qui va naître avec la mort des abeilles. Visionnaire et brillant, mais toujours aussi foutrauqe.

Chronique livre: Douglas Coupland - Génération A
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« Nous sommes la génération qui a vu Noé construire son arche. Les gens ne se préoccupaient que de leur propre existence, et ne prêtaient pas attention aux mises en garde de Noé. C’est exactement la même chose maintenant. » Sauf que maintenant, c’est-à-dire demain dans le nouveau roman de Douglas Coupland, Noé fait « bzzz » et a disparu depuis cinq ans de la surface de la Terre: l’annonciateur du grand cataclysme a pris la forme d’une abeille. A plus. Du coup, la pollinisation se fait désormais à la main, la plupart des fruits et légumes ont disparu, et la planète se meurt, même si elle continue à être globalisée et à avoir le nez dans les réseaux sociaux et le buzz en direct. Aussi, quand cinq jeunes gens, du Sri Lanka, de Paris, de Nouvelle-Zélande, de l’Ontario et de l’Iowa, que rien ne relie si ce n’est leur génération, se font piquer par des abeilles -qui n’ont donc pas disparu!-, c’est le branle-bas de combat. Et le début tonitruant d’un roman de surdoué, en écho plus qu’appuyé à son plus grand succès, Génération X (2010). Un surdoué donc, qui a toujours autant de mal à tenir ses promesses et à boucler une boucle.

Du X dans le A

Dans Génération X, ils étaient trois. Ici, ils sont cinq, cinq jeunes gens qui vont servir de fil rouge au récit de Coupland. Comme dans Génération X, leurs noms servent de tête de chapitre, donnant à chaque fois un récit, différent, à la première personne. Cinq points de vue sur ce qui leur tombe sur la cafetière (quarantaine, isolement, expérimentations et bientôt horde de zombies) et qui menace le monde et les individus qui les entourent. La génération X, née entre 1960 et 1980, était dépressive, bourrée d’angoisse et d’amertume; la A, qui aura 20 ans demain, sera selon Coupland égocentrique, globalisée et sevrée d’espérance, mais bien rigolote quand même. Un avenir qui pourrait être apocalyptique, même si l’auteur, plus prophétique que jamais, ne ferme pas la porte: l’imagination et les livres sauveront les hommes!

Quel plaisir de tenir entre les mains un « vrai » bouquin avec du style, du souffle et de l’imagination, où l’auteur, brillant et féroce, s’amuse d’évidence à aligner les clins d’oeil à son best-seller… jusque dans ses travers. Parti à 100 à l’heure comme un thriller d’anticipation amusé et sensé, Génération A se prend les pieds, comme son grand frère, dans les expérimentations narratives de son auteur.

Coupland, au beau milieu du livre, fait soudain réciter à chacun de ses protagonistes une brève nouvelle, petite histoire sortie de son imaginaire. Puis une autre. Puis encore une autre. Jusqu’à perdre ses lecteurs dans un récit désormais complètement déstructuré, avec une tête, mais sans la moindre queue.

  • DOUGLAS COUPLAND, GÉNÉRATION A, ÉDITIONS AU DIABLE VAUVERT, TRADUIT DE L’ANGLAIS (CANADA) PAR CHRISTOPHE GROSDIDIER, 360 PAGES.

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