Berthet et Van Hamme, aux sources de Largo Winch

Un premier tome qui pose les fondations d'un mythe prenant ses racines dans le Monténégro de 1848. © Dupuis
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Malgré quarante ans de carrières parallèles (et un rendez-vous manqué), le dessinateur Philippe Berthet et le scénariste Jean Van Hamme n’avaient jamais signé d’album ensemble. C’est désormais chose faite avec La Fortune des Winczlav, à la fois saga et pied de nez.

La première fois, c’était aux alentours de 1983, « un premier contact assez mauvais », nous a expliqué Philippe Berthet depuis sa résidence française: « Jean m’avait proposé de dessiner sa minisérie SOS Bonheur (NDLR: trois albums cultes finalement dessinés par Griffo), mais je ne le sentais pas, je trouvais le scénario un peu sinistre, j’avais envie d’autre chose. Il n’en a heureusement pas tenu grief au jeune prétentieux que j’étais! » La deuxième, c’était en 2009, au moment de lancer la « spin off » de la série XIII, baptisée XIII Mystery, pour laquelle chaque album était réalisé par un dessinateur et scénariste différent, dont Berthet sur l’album Irina – « Jean relisait alors les scénarios, supervisait l’ensemble mais n’est jamais intervenu sur les albums en eux-mêmes. »

Il aura donc fallu près de quarante ans pour que ces deux-là, représentants parmi les plus fameux de la bédé (franco-)belge populaire, se rencontrent vraiment. « Jean a présenté son projet, développer les ancêtres de Largo Winch et les origines de son immense fortune, à Dupuis et à José-Louis Bocquet, un autre vieil ami que je n’avais plus vu depuis longtemps, et qui m’a proposé cette collaboration. Je n’ai eu que deux conditions: lire le scénario avant de me décider et puis en avoir l’entière maîtrise graphique. Il n’était évidemment pas question qu’on me demande de faire du sous-Philippe Francq. Mais Jean m’a laissé carte blanche. »

La Fortune des Winczlav (1/3) - Vanko 1848, par Jean Van Hamme et Philippe Berthet, Dupuis, 56 p.
La Fortune des Winczlav (1/3) – Vanko 1848, par Jean Van Hamme et Philippe Berthet, Dupuis, 56 p.

Philippe Francq est le dessinateur de la série Largo Winch depuis 1990. Une série écrite par Jean Van Hamme, tirée de ses propres romans, et qui s’avérera l’un de ses plus gros succès BD, avec Thorgal ou XIII. Une série qui continue toujours aujourd’hui, elle aussi chez Dupuis, mais que Jean Van Hamme a décidé d’arrêter en 2015, après vingt albums, tandis que Philippe Francq a choisi de la poursuivre, sans lui, et depuis bientôt trois albums, avec un autre scénariste (Eric Giacometti). De quoi peut-être vexer ce grand sensible de Jean Van Hamme, au point de le faire sortir, à 82 ans, de sa semi-retraite, et de lui faire écrire ce « préquel » forcément savoureux.

Une saga qui va courir sur plus d’un siècle, qui va à toute vitesse, avec des ellipses à chaque page!

On y découvrira, en trois albums, d’où vient l’immense fortune du personnage de BD le plus riche de la Terre – après Picsou. Les fondations d’un mythe qui prend ses racines dans le Monténégro de 1848, en pleine révolte paysanne, avant de traverser l’Europe et rejoindre les Etats-Unis, entre tragédies, injustices personnelles et événements historiques, comme une guerre de Sécession que Philippe Berthet, grand dessinateur de l’Amérique (lire l’encadré) n’avait jamais croquée. « Cet album n’a été qu’une montagne de difficultés, qui m’a demandé énormément de documentation, mais qui me procure aussi beaucoup de plaisir, confie-t-il, d’abord parce que j’y travaille avec Dominique David, mon épouse, comme jamais auparavant, ensuite parce que c’est la première fois que je me frotte à une saga qui va courir sur plus d’un siècle, qui va à toute vitesse, avec des ellipses à chaque page! » Résultat: un carton d’ores et déjà assuré et la rencontre, enfin, de deux monstres sacrés.

Berthet Revival

Berthet et Van Hamme, aux sources de Largo Winch
© Benoît Feron

Avec La Fortune des Winczlav, Philippe Berthet lance une année qui s’annonce particulièrement riche pour lui, et qui sonne comme une reconnaissance de l’ensemble de sa carrière, marquée par des séries à succès comme Pin-up ou Poison Ivy (avec Yann), des one shots aux scénaristes très divers, de Cossu à Zidrou en passant par Tome ou Fromental, et un goût prononcé pour les Etats-Unis, dont il aura désormais dessiné toutes les époques. Une bonne Fortune donc: outre ce retour aux affaires au premier plan, Philippe Berthet exposera (et vendra) une sélection des planches originales de ce nouvel album à la galerie Huberty & Breyne, à Bruxelles, du 26 mars au 14 avril. Mais sa présence s’annonce également massive en librairie, puisque toute une série de rééditions sont au programme chez divers éditeurs. A commencer par l’album L’OEil du chasseur, formidable polar dans le bayou écrit par Philippe Foerster en 1988, et richement réédité aujourd’hui par les éditions Anspach. D’autres rééditions suivront par après chez d’autres éditeurs, tels ses premiers récits fantastiques réalisés avec Antoine Cossu, la minisérie Couleur Café ou une nouvelle intégrale du Privé d’Hollywood.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content