Angoulême: Guibert, Ware ou Corben pour le Grand Prix
Le 45e festival d’Angoulême, qui s’ouvre dans 11 jours, a enfin livré le nom des 3 derniers prétendants à son célèbre Grand Prix. Il s’agira de Richard Corben, Chris Ware ou Emmanuel Guibert. Les votes pour Larcenet et Alan Moore ont été écartés.
L’une des sensations du festival d’Angoulême, dont la 45e édition doit ouvrir ses portes le 25 janvier prochain, a toujours été l’annonce, dès le premier jour, de son Grand Prix – un auteur salué pour l’ensemble de son oeuvre et son empreinte sur le métier. En 1974, André Franquin fut le premier, suivi de Will Eisner. Ce prix, le plus important du métier, fut d’abord remis dans les premières années par un jury, puis pendant plus de 20 ans, par un collège réunissant les Grand Prix précédents. Or depuis 2013, le Grand Prix est élu directement par ses pairs, et en deux tours, via un vote par Internet. Une méthode qui a considérablement changé la donne, faisant de Hermann et Cosey les deux derniers Grand prix en date. Lequel donne droit, l’année suivante, a une grande rétrospective et une visibilité maximum.
Or cette année, le premier tout du vote a posé question: les résultats du premier tour de vote devaient être communiqués ce vendredi, sauf que deux des trois nominés selon un premier comptage avaient déjà refusé de l’être! On sait déjà que Larcenet est de ceux-là. Plébiscité par ses pairs il y a un an déjà, il avait lui-même déjà demandé, et à plusieurs reprises, qu’on ne le nomme pas. D’autres comme Alan Moore, avait déjà fait savoir qu’ils n’étaient pas intéressés, à chaque fois pour des raisons diverses: déprime globale pour l’un, défiance vis-à-vis du festival ou du principe même pour d’autres.
L’organisation du festival a donc décidé, comme son règlement lui en donne le droit, de considérer les votes qui se sont portés sur Larcenet ou Alan Moore comme « blancs ». Le trio de tête, autour duquel un nouveau vote est désormais organisé du 167 au 21 janvier, se compose donc, par ordre alphabétique, de Richard Corben, Emmanuel Guibert et Chris Ware. 1.230 auteurs et autrices ont participé au premier tour de vote.
Richard Corben (1940)
Né à Anderson, dans le Missouri (États-Unis), Richard Corben propose plusieurs histoires dans des magazines underground avant d’être engagé chez Warren Publishing, où il va devenir célèbre pour ses illustrations horrifiques et de science-fiction. Corben sera l’un des grands contributeurs des magazines Creepy, Eerie et Vampirella.
Son style ultra-réaliste et son utilisation de la couleur à l’aérographe le rendent emblématique de la nouvelle génération d’auteurs indépendants de la scène américaine – il est repéré en France par Métal Hurlant, qui publiera son travail et le rendra populaire auprès du public francophone. Den, Vic & Blood, Mondes Mutants, ou encore ses adaptations des nouvelles d’Edgar Allan Poe, font de lui une icône de la contre-culture et de la science-fiction. Corben collabore aujourd’hui avec les grands groupes d’édition comme DC/Vertigo, Marvel ou Dark Horse, et on retrouve son trait inimitable au sommaire de Luke Cage, the Punisher, Hulk ou encore Hellboy.
Emmanuel Guibert (1964)
Né en 1964 à Paris (France), Emmanuel Guibert débute sa carrière avec une oeuvre exigeante sur la montée du nazisme, Brune, qui lui prendra sept ans de travail. Au contact de ses camarades de l’atelier des Vosges, il décide de changer de technique et publie, entre 2000 et 2008, une série de planches inspirées par les souvenirs de son ami Alan Ingram Cope, La Guerre d’Alan. Fort de ce succès critique et commercial, il continue dans cette veine inspirée de vies avec Le Photographe, d’après des entretiens avec Didier Lefèvre, qui reçoit un Prix Essentiels du Festival en 2007. Grand technicien, reconnu par ses pairs comme un dessinateur innovant et précurseur, Guibert est également un scénariste prolifique.
Il crée avec Joann Sfar Les Olives noires, La Fille du professeur et Sardine de l’espace, ainsi qu’Ariol, avec Marc Boutavant, et ces deux dernières séries jeunesse vont mettre en lumière ses talents de conteur et de narrateur. Il est lauréat 2017 du Prix Goscinny.
Chris Ware (1967)
Né à Omaha (États-Unis), Chris Ware est publié très tôt dans RAW, la revue d’avant-garde d’Art Spiegelman et Françoise Mouly. Il entame au début des années 1990 une oeuvre d’envergure avec la série des Acme Novelty, vraie-fausse revue à la forme et à la pagination changeante qui installe les personnages bientôt fameux de l’auteur: Quimby the Mouse, Rusty Brown et surtout Jimmy Corrigan. Tous se démarquent par leur timidité, par leur fragilité et par l’empathie immédiate qu’ils suscitent chez le lecteur… Depuis 25 ans, c’est ainsi une oeuvre originale, qui oscille entre une douce mélancolie et une profonde tristesse, que propose Chris Ware, s’attachant toujours à regarder au microscope le quotidien de ses personnages et leurs gestes les plus dérisoires. Par ailleurs, ses livres se distinguent par leur générosité, avec un graphisme immédiatement reconnaissable et une fabrication soignée. La force et la densité de cette oeuvre n’ont jamais échappé à la critique. Salué à chaque nouvelle parution, Chris Ware a reçu de très nombreux prix, dont 28 Harvey Awards et 22 Eisner Awards. L’auteur publie en 2012 le remarqué Building Stories, un livre-objet impressionnant constitué d’une quinzaine de livres de formats divers pouvant être lus dans un ordre choisi par le lecteur – ce dernier livre a reçu le Prix Spécial du Jury au Festival d’Angoulême en 2013.
Le nom du nouveau Grand Prix sera annoncé le mercredi 24 janvier, lors de la cérémonie d’ouverture.
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