La vérité est ailleurs et elle pue plus que les pieds d’un alien après 6 millions d’années-lumière en soucoupe!

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Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Les lignes directrices du fameux rapport officiel du Pentagone sur les OVNI dans le ciel américain, attendu pour ce mois de juin 2021, ont déjà fuité. Incompétence militaire? Désinformation? Un peu des deux sans doute et pas assez pour calmer les ufo-nerds. Pour ce Crash Test S06E38, la vérité est quoi qu’il en soit ailleurs. Et pas jojo du tout.

Tout au long de cette sixième saison de Crash Test, sans que je m’en rende vraiment compte et souvent en réaction à une certaine actualité excitant les réseaux sociaux, un semblant de méthode contre-conspirationniste s’est développé dans ces chroniques. Rien de bien sorcier. Juste vous encourager à toujours rechercher le film ou la série d’il y a quelques années correspondant à chaque nouvelle conspiration. Souvenez-vous du très polémique documentaire Hold Up en novembre. J’y avais vu beaucoup de la série anglaise Utopia et un peu de Moonraker, le James Bond dans l’espace. Toujours chercher de quelle oeuvre culturelle plus ancienne pourrait bien s’inspirer une nouvelle proposition d’explication du monde est en fait un vieux conseil de « debunker ». C’est ainsi qu’a par exemple été démonté le Protocole des Sages de Sion, pamphlet antisémite du début du XXe siècle et d’ailleurs quasi-matrice de beaucoup de théories de conspiration contemporaines. Synthétisant quelques idées qui traînaient et y rajoutant son impressionnante érudition, c’est Umberto Eco qui avait fait avec le plus de ramdam le rapprochement entre le mythe du complot juif mondial et la trame de quelques romans-feuilletons français du XVIIIe siècle; soulignant dans le pamphlet pas mal de similitudes avec des plans machiavéliques déjà croisés chez Eugène Sue et Alexandre Dumas. Normal, logique même: le Protocole des Sages de Sion ayant été forgé en Russie en 1903, sans doute que l’un ou l’autre agent de la police secrète du Tsar avait trouvé pertinent ou même amusant de bourrer d’âneries racistes et paranoïaques la trame de vieux romans à succès.

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Bien sûr, qu’Umberto Eco ait démonté Le Protocole des Sages de Sion n’a pas changé grand-chose au succès de la théorie du complot juif. Aujourd’hui, beaucoup y croient toujours. Tout comme beaucoup d’antivax se foutent toujours pas mal que Hold Up soit consciemment ou non pompé d’Utopia et de Moonraker. Il y a du donquichottisme dans la déconstruction d’une théorie de conspiration. Cela convaincra bien plus souvent les sceptiques que les autres. Autant dire sa propre chapelle. Je pense qu’il reste toutefois un bon bouquin à écrire sur cette influence de la culture populaire (ou son utilisation très consciente) sur les opérations de désinformation politique. Dans le domaine de l’ufologie, ce livre existe d’ailleurs déjà. C’est Mirage Men de Mark Pilkington (2010), une enquête en réalité plus terrifiante qu’amusante sur les tonnes d’idioties que des agents du gouvernement américain ont réussi à faire gober aux amateurs d’OVNI dans les années 80/90. La plupart de leurs prétendues fuites inventées de toutes pièces ont beau avoir fait grimper les ufologues les plus crédules aux rideaux, il s’agissait donc le plus souvent de pompages éhontés de canevas de séries B, de romans de gare et de BD de science-fiction. Dans le même ordre d’idées, est-ce d’ailleurs vraiment un hasard que les récits d’enlèvements par des extraterrestres, jusque-là assez marginaux, ont commencé à vraiment se répandre dans les années 80, quelques années donc après le succès massif du film Rencontres du troisième type (1977), mais aussi de ses dérivés plus horrifiques? De même, la théorie voulant que l’alunissage de 1969 ait été entièrement tourné en studio, elle aussi très underground avant de se propager ensuite comme un pet sur une toile cirée, ne devrait-elle pas un peu, beaucoup, passionnément, voire carrément à la folie, au scénario de Capricorn One (1978), thriller paranoïaque où la première mission vers Mars est totalement mise en scène non seulement pour duper les Russes mais aussi pour tirer des subsides au gouvernement alors que les caisses de la NASA (fictive) sont vides?

https://twitter.com/crazynineCR/status/1401477458453569537Pierre Mckhttps://twitter.com/crazynineCR

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C’est donc avec tout ça bien calé derrière l’oreille que j’aborde ce mois de juin 2021. Si on en croit Twitter (suivre #ufotwitter), il ne nous reste en effet plus que quelques jours avant que l’armée américaine ne reconnaisse très officiellement l’existence des extraterrestres. Ou pas vraiment. Jeudi dernier, la teneur générale de ce rapport très attendu a en effet fuité dans la presse US et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’on reste plutôt loin des aveux fracassants et encore plus loin d’un quelconque changement de paradigme par rapport à notre présumée solitude dans l’univers proche. Oui, il y a des trucs mystérieux qui volent dans le ciel américain depuis des années sans autorisation et l’armée prétend ne pas savoir ce que c’est. Oui, la technologie de ces trucs semble novatrice: ça va très vite, c’est très maniable et ça peut aussi naviguer sous l’eau. Non, ce n’est pas un projet secret, on vous le jure la bouche en coeur, mesdames et messieurs les civil.e.s. Oui, si ce n’est pas russe ou chinois, ça pourrait donc être d’origine extraterrestre. Ou même interdimensionnelle. Bref, la Grande Muette ne dit pas grand-chose. Et se foutrait peut-être bien une nouvelle fois de la poire des habituels agités du bulbe, nostalgiques des X-Files et autres nerds sous ganja qui, sous nos yeux ébahis, malgré le peu d’informations fiables donc, s’inventent malgré tout en temps direct une toute nouvelle théorie globale sur les OVNI; ceux-ci ne venant plus de l’espace mais du fond des océans. Comme dans les séries sixties cultes UFO et Raumpatrouille, donc. Un peu comme dans Aquaman et la BD inspirée de la techno de Drexciya, aussi. Ou alors, d’une autre dimension. Comme dans le quatrième Indiana Jones et toute cette pop-culture adaptant à sa sauce beaucoup trop riche l’idée scientifique du multivers.

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Noyer l’information on va dire « dérangeante » dans une casserole de distractions de nature à complètement enfumer les esprits (on voyage comment dans une autre dimension?) tient de la base même du métier de désinformation. Peut-être que l’armée américaine pense vraiment que les aliens en vadrouille existent mais peut-être dit-elle plutôt le penser parce que ça lui évite dès lors d’avouer que les radars sont ringards, que l’espace aérien post-11 septembre reste un gruyère et que les Chinois tapent le seum à des avions de chasse beaucoup plus chers qu’un an de soins de santé gratuits pour toutes et tous avec des drones à 200 balles. Bref, je pense que cette véritable folie OVNI qui a bouté le feu à ce premier semestre 2021 va maintenant très vite se refroidir. Bien entendu, il reste possible que l’armée finisse par avouer quelque chose de vraiment inattendu et étonnant. En attendant (Godot) et contrairement à la vie venue d’ailleurs, ce qui se dévoile actuellement parallèlement à ces histoires d’OVNI, fait souvent plus cauchemarder que rêver. Ainsi, ai-je appris cette semaine qu’un cartel mexicain avait récemment utilisé des drones armés pour attaquer la police et que des soldats libyens avaient été traqués et abattus par une « arme volante autonome » turque. Autrement dit un drone militarisé capable de prendre seul des décisions de vie et de mort, sans la moindre intervention humaine. Façon Terminator, donc. De là à se dire que les militaires, peu importe leur nationalité, ont peut-être quelque intérêt à détourner l’attention publique à l’aide de prétendues soucoupes volantes plutôt que de devoir s’expliquer sur l’avènement du concept de guerre à distance et de répondre aux questions éthiques que cela suscite. Tiens? C’est aussi un film, ça, non? Oui mais un documentaire, peut-être bien…

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