Martin Scorsese s’expose à Gand

Martin Scorsese © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Dans le cadre du Film Fest Gent, le grand cinéaste italo-américain Martin Scorsese fait l’objet d’une remarquable exposition, qui éclaire son oeuvre d’émouvante façon.

Martin Scorsese entretient avec la Belgique des rapports qui remontent à ses tout débuts, lorsque son court métrage The Big Shave fut primé au Festival du Film expérimental de Knokke (Exprmntl), en 1967. Le film avait été tourné sur de la pellicule offerte par la société belge Agfa-Gevaert. L’attachement du cinéaste à la Cinémathèque Royale de Belgique, dont le conservateur Jacques Ledoux l’avait invité à Knokke et aidé au financement de son film, n’allait pas se démentir avec le succès. Et quand l’institution bruxelloise vit son existence menacée, le réalisateur de Taxi Driver intervint publiquement pour la soutenir. C’est donc un ami qu’honore l’exposition Martin Scorsese organisée à Gand, dans le cadre du 40e anniversaire du Festival du Film animant la cité flandrienne une fois l’automne venu. Un autre festival, celui de Berlin, avait inauguré en février dernier ce remarquable ensemble éclairant l’oeuvre et la personnalité du cinéaste italo-américain. Celui-ci a donné accès à sa collection privée de New York, une autre partie des pièces provenant des archives de Robert De Niro et de Paul Schrader déposées à l’Université du Texas, à Austin.

Sur le tournage de Taxi Driver
Sur le tournage de Taxi Driver© DR

Venant après d’autres très belles expos consacrées à Stanley Kubrick (elle est aussi passée par Gand!), à Tim Burton (à la Cinémathèque française) et à Michelangelo Antonioni (tout récemment au Bozar bruxellois), l’ensemble Scorsese joue comme ces dernières la carte du parcours traversant l’oeuvre. L’idée de croiser itinéraire chronologique et exploration thématique, pour classique qu’elle soit, n’en est pas moins des plus efficaces. Et c’est avec bonheur qu’on entre en communion avec l’oeuvre de celui qui eut comme premier désir professionnel (heureusement contrarié!) de devenir… curé.

L’enfance de l’art

Little Italy, le quartier new-yorkais où grandit le jeune Martin, souvent bloqué chez lui par la maladie, est l’évident point de départ. N’est-ce pas là que les rumeurs violentes montant de la rue, mélange de disputes, de sirènes de police, de bagarres et parfois même de coups de feu, lui inspirèrent son passage des images saintes à celles -profanes- du gangstérisme local? Et combien de films de Scorsese cette Petite Italie n’allait-elle pas accueillir en son décor qui est aussi, en l’espèce, la matrice d’où l’oeuvre a germé? La première des trois principales sections de l’expo est consacrée au quartier, et au logis de la famille Scorsese (venue de Sicile): la table de la cuisine, des photos de mariage, des objets usuels, installent l’ambiance.

Italian American
Italian American© Scorsese

Une partie importante du parcours s’intéresse à la passion du cinéaste pour l’Histoire du 7e art et sa protection, à travers la promotion de réalisateurs menacés par l’oubli (Michael Powell) et surtout un inlassable travail visant la restauration d’oeuvres anciennes… ou moins anciennes mais menacées par la détérioration de la pellicule, le virage des couleurs dont Scorsese s’aperçut des ravages à travers ses propres films. L’exposition s’attachant ensuite à nous plonger dans l’univers stylistique de l’artiste, de l’écriture à l’image et au son, sans oublier l’hyper important montage. Bandes musicales, documentaires filmés, sont convoqués à l’appui de cette approche révélatrice de la manière d’un cinéaste travaillant aux confins du spirituel et du violent. A noter encore cet ajout spécial permettant de relier directement Scorsese et la ville de Gand, à travers la référence opérée, dans un croquis et une annotation en marge du script de The Last Temptation Of Christ: « from Bosch painting ». Allusion directe au Portement de croix, peinture de la collection du Musée des Beaux-Arts de la ville où se déploie l’exposition…

Storyboard
Storyboard© Scorsese

Découvertes

Les gants de boxe utilisés par Robert De Niro dans Raging Bull, la chemise tachée de (faux) sang du même dans Cape Fear, figurent parmi les objets de curiosité, comme aussi -spectaculairement- la robe portée par Cate Blanchett (dans le rôle de la star Katharine Hepburn) à la cérémonie des Oscars de The Aviator, ou le costume revêtu par Leonardo DiCaprio dans Gangs Of New York. Mais le cinéphile ne sera pas moins intéressé de découvrir nombre de documents illustrant les méthodes de travail de Scorsese, comme certaines lettres échangées par le cinéaste avec son interprète fétiche Robert De Niro, ou les story boards (dessins préparatoires simulant le découpage du film à venir) réalisés pour Mean Streets et Taxi Driver. Une très riche iconographie nous faisant pénétrer dans les thèmes préférés du réalisateur: la solitude du héros, la famille, les rapports entre hommes et femmes, l’amitié, New York, entre autres. Un kaléidoscope d’images révélateur d’un art où l’humain et le cinéma, le propos et la forme, s’unissent avec une force rare.

  • DU 11 OCTOBRE 2013 AU 26 JANVIER 2014, AU CENTRE CULTUREL PROVINCIAL CAERMERSKLOOSTER, VROUWEBROERSTRAAT 6, 9000 GAND. 09/269.29.10. www.caermersklooster.be

En concert, aussi!

Si l’expo en met plein les yeux, les oreilles ne sont pas oubliées, puisqu’un très alléchant concert de musique des films de Scorsese est également au programme. Bernard Herrmann (Taxi Driver, Cape Fear), Elmer Bernstein (The Age Of Innocence, Bringing Out The Dead) et Howard Shore (Gangs Of New York, The Aviator, The Departed, Hugo) seront notamment joués par le Brussels Philharmonic sous la direction de Dirk Brossé. Quelques classiques repris dans les films du cinéaste seront aussi interprétés, tels l’Intermezzo de Cavaleria Rusticana (Mascagni, pour Raging Bull) et la troisième symphonie de Penderecki (Shutter Island).

SCORING FOR SCORSESE. LE 17 OCTOBRE À 20 H, AU CENTRE MUSICAL DE BIJLOKE. WWW.FILMFESTIVAL.BE

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