Critique

[Le film de la semaine] The Killing of a Sacred Deer, une histoire de vengeance complètement tordue

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | De Dogtooth à The Lobster, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos s’est imposé comme l’une des voix les plus originales du cinéma contemporain, déclinant son regard grinçant sur le monde en propositions radicales.

[Le film de la semaine] The Killing of a Sacred Deer, une histoire de vengeance complètement tordue

The Killing of a Sacred Deer, son premier essai américain, ne déroge pas à la règle qui, s’il emprunte aux tragédies antiques -l’Iphigénie d’Euripide en particulier-, doit aussi au film de genre, le réalisateur y revisitant l’horreur à sa façon, pour un résultat proprement suffocant. Au coeur du film, on trouve une famille, heureuse en apparence: Steven (Colin Farrell), le père, cardiologue respecté, Anne (Nicole Kidman), la mère, ophtalmologue appréciée, et leurs deux enfants, Kim (Raffey Cassidy) et Bob (Sunny Suljic), enfermés dans leurs petites routines confortables -celle présidant aux jeux sexuels des parents répond à l’appellation « anesthésie générale », tout un programme. Un bonheur toutefois compromis lorsque Martin (Barry Keoghan), un adolescent que Steven a pris sous son aile, s’immisce dans le cénacle familial, sa présence, d’abord envahissante, se faisant bientôt menaçante, avec des conséquences dévastatrices… La vengeance est un plat qui se mange froid et même glacial, à en juger par le nouvel opus de Yorgos Lanthimos qui dévide, dans The Killing of a Sacred Deer, une mécanique implacable (le film a obtenu un prix du scénario largement mérité à Cannes). Le premier plan du film -une opération à coeur ouvert- en donne du reste le ton, et la suite tient d’un processus de mise à nu rigoureux au terme duquel le réalisateur hellène pousse ses protagonistes dans leurs ultimes retranchements. L’expérience est secouante; elle est aussi conduite avec maestria, l’esthétique affectée de l’ensemble semblant n’attendre que de se lézarder pour révéler des failles béantes, dans lesquelles le cinéaste s’engouffre avec un raffinement cruel, non sans jouer avec bonheur du contretemps et de l’outrance, comme pour mieux déjouer les attentes du spectateur. Et de disséquer, avec l’appui de Colin Farrell et Nicole Kidman adoptant la passivité de circonstance, le petit théâtre de nos vies et les monstres égoïstes sommeillant en nous, pour un résultat aussi fort qu’intensément perturbant.

De Yorgos Lanthimos. Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan. 2h01. Sortie: 01/11.

>> Lire également notre interview de Yorgos Lanthimos.

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