Critique

[Le film de la semaine] Lazzaro Felice, d’une belle et confondante simplicité

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Quatre ans après Le Meraviglie (Les Merveilles), Lazzaro Felice vient rappeler l’originalité du regard d’Alice Rohrwacher.

[Le film de la semaine] Lazzaro Felice, d'une belle et confondante simplicité

À l’instar de celui-là, la cinéaste italienne en situe l’action au coeur d’une petite communauté rurale vivant comme coupée du monde, l’Inviolata, hameau alignant quelques maisons vétustes. Et dont les habitants sont maintenus dans la pauvreté et une condition quasi servile par la marquise Alfonsina de Luna, reine de la cigarette ayant bâti son empire sur leur crédulité et leur ignorance de l’abolition du métayage. C’est là, dans cet environnement précaire, qu’évolue Lazzaro, jeune homme d’une exceptionnelle beauté et d’une pureté équivalente. Simplet, selon toute apparence, que ces démunis exploitent à leur tour sans vergogne, sans qu’il ne leur en tienne le moins du monde rigueur. Un état des choses que l’on pressentirait immuable, si Lazzaro ne se liait un jour d’amitié avec Tancredi, le fils dévoyé de la marquise, le temps et les événements s’en trouvant bousculés dans un même élan…

Porté par une stimulante audace narrative, Lazzaro Felice double la fable aventureuse d’un manifeste politique, pour confronter son personnage central aux vicissitudes du monde. Et le cadre de basculer de la campagne à la périphérie urbaine, en même temps que le récit se joue des contraintes temporelles, comme abolies par la grâce céleste de cet individu embrassant le monde en toute innocence. Au-delà du portrait, fascinant, de cette figure tendant vers une sainteté laïque -magnifique Antonio Tardiolo, incandescente révélation du film-, s’érige celui de l’Italie contemporaine, les exploités des campagnes d’hier composant les oubliés des villes d’aujourd’hui, la finance et la dérégulation du marché du travail ayant pris le relais de l’aristocratie foncière et de l’Église. Un constat qu’Alice Rohrwacher se garde cependant de marteler, à quoi elle préfère un film baigné de poésie et de chaleur, un conte d’une belle et confondante simplicité rappelant, par endroits, l’oeuvre d’un Pasolini. Non sans affirmer une foi souveraine dans la capacité du cinéma à ouvrir sur l’inattendu et le merveilleux, en quelque miracle toujours renouvelé. Lumineux.

D’Alice Rohrwacher. Avec Adriano Tardiolo, Luca Chikovani, Alba Rohrwacher. 2h06. Sortie: 07/11. ****(*)

>> Lire également notre interview d’Alice Rohrwacher.

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