Jean Dujardin: « J’ai joué des cons, j’ai joué des gens méchants, mais qu’on a toujours aimés »

Jean Dujardin a la classe dans sa veste en daim, de quoi le rendre fou.
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Dans Le Daim, de Quentin Dupieux, Jean Dujardin et sa tuerie de nouveau blouson à franges 100% cervidé ont un grand projet. Rencontre, à Cannes.

À Cannes, en mai dernier, où son Daim avait l’honneur de faire l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Quentin Dupieux, le roi de l’absurde, se plaisait à le répéter: « En réalisant un film, je ne cherche jamais à produire un commentaire sur quoi que ce soit. » Avant d’ajouter, tout sourire: « Je crois sincèrement que ma plus grande qualité en tant que cinéaste, c’est que bien souvent, en tournant, je ne sais absolument pas ce que je suis en train de faire. » À l’instar de ses personnages, doux dingues dont les lubies recouvrent d’infinies béances, Le Daim (lire la critique) est un film multi-couches qui vient gratter l’inconscient, improbable comédie aux accents horrifiques traitant de la question de la liberté, de l’idée de faire peau neuve en enfilant un blouson à franges.

Dans le rôle de Georges, quadra en crise et en exil bien décidé à remettre tous les compteurs à zéro, Jean Dujardin s’en donne à coeur joie, s’improvisant, dans un même geste radical, réalisateur et tueur, sans jamais rien lâcher de son obsession d’afficher « un style de malade« . Particulièrement investi, le comédien raconte: « Il y a deux choses qui m’ont attiré dans ce projet vraiment très spécial. D’abord, ce fantasme assez masculin de la fuite, du nouveau départ. Ensuite, cette névrose, cette obsession qui nous guette tous. Il y en a qui vivent bien avec une tache sur le pantalon, moi ça me dérange. J’étais très content que Quentin s’intéresse à ce genre de scènes qui, d’habitude, ne sont absolument pas traitées dans les films, ces moments de vide, de solitude, qui peuvent être très révélateurs de quelque chose d’à la fois troublant et sensible. Quand Georges s’adresse à son blouson, pour moi il est assez clair que ce dernier n’est qu’un simple prétexte pour un échange de soi à soi. »

Grand ordonnateur d’un univers destiné à partir en sucette, Dupieux a le chic pour installer un mécanisme de mise en scène très simple, très direct, qui invite à suivre un personnage allumé au premier degré, quasiment au présent, comme une espèce de reportage animalier. Dujardin acquiesce: « Oui, et en tant qu’acteur c’est facile, vous avez juste à faire des choses tout à fait normales. Mais comme la situation ne l’est pas, ça crée quelque chose de très particulier. Moi je ne fais pas grand-chose. Je suis parti sur une espèce de régression. J’ai éteint quelque chose. J’ai enlevé de la vie à mon personnage. Il va se nourrir, il va dormir, il va boire au ruisseau et puis il va chasser. C’est une régression davantage animale qu’enfantine. »

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De bonnes sensations

« J’ai joué des cons, j’ai joué des gens méchants, mais qu’on a toujours aimés. » Acteur populaire aux mimiques presque cartoon, aussi à l’aise dans le registre dramatique que comique, Dujardin croit beaucoup à l’idée de racheter ses personnages. Quelques mois à peine après avoir joué chez le tandem Kervern et Delépine (I Feel Good), sa brillante incursion dans le cinéma profondément dérangé de Quentin Dupieux semble en tout cas indiquer une vraie volonté de reprofiler sa carrière dans les marges, d’aller voir aussi du côté de ce que le cinéma français a de plus alternatif à offrir. « Oui, aujourd’hui, j’ai envie de ça. Mais je n’ai pas fait I Feel Good uniquement pour ça non plus. C’est-à-dire que j’y suis allé avant tout parce que le rôle m’a parlé, qu’il y avait des fulgurances dans les dialogues, politiquement quelque chose à dire, socialement une certaine poésie. J’aime quand un réalisateur a une vraie vision, comme Quentin. Mais il n’y a pas de plan. Je préfère me laisser porter, un peu comme Georges (sourire). C’est plus marrant de fonctionner comme ça que de tout verrouiller à l’avance pour une période de cinq ans. Ça laisse de la place à la surprise. La seule chose qui m’intéresse, ce sont les secousses, les bonnes sensations. Je n’ai pas envie de m’ennuyer. »

Son prochain rôle? Ce sera dans le J’accuse de Roman Polanski, où il campera le lieutenant-colonel Picquart face à Louis Garrel en Alfred Dreyfus. Avant, sans doute, un troisième OSS 117 que devrait réaliser Nicolas Bedos. Quant à une hypothétique nouvelle infidélité à la France, la chose semble moins que jamais d’actualité… « À vrai dire, je n’ai pas eu beaucoup de propositions vraiment intéressantes aux États-Unis dans la foulée de The Artist. Et puis, je l’ai toujours dit: je suis sans doute trop français. J’aime trop jouer dans ma langue. Je ne pense pas qu’on puisse véritablement être autre chose qu’un acteur français aux États-Unis. À quelques rares exceptions près peut-être. Vous savez, c’est très exotique pour moi, l’Amérique. Je n’y ai jamais vraiment cru. Même quand j’ai tourné trois jours dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio. C’était très marrant, très schizophrène aussi: je me suis amusé à me faire croire que j’étais un acteur américain alors que je ne le suis pas du tout. Idem dans Monuments Men de George Clooney. Je joue le jeu mais je sais que je vais rentrer très vite à la maison. Avoir été le premier Français à remporter l’Oscar du meilleur acteur pour The Artist restera sans doute la plus grande ironie de ma vie. Je le prends avec cette philosophie-là. Ça ne veut pas dire que je le snobe. C’était merveilleux. Mais je laisse ça bien où c’est et où ça doit rester. »

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