Des moqueries au grand écran, le parcours de la grande brulée Vicky Knight

Vicky Knight est Jade dans "Dirty God" © DR

Depuis ses huit ans, Vicky Knight se cache du regard des autres. Aujourd’hui, elle se dévoile devant la caméra de Sacha Polak. Dans Dirty God, la jeune femme incarne Jade, brulée à l’acide par son ex-petit copain, en voie de reconstruction et de réappropriation de son corps.

Le soir du 27 juillet 2003, Vicky et ses cousins sont endormis dans le studio qui surplombe le pub de son grand-père à Londres lorsqu’un incendie se déclare. Vicky Knight se souvient encore clairement cette nuit qu’elle raconte dans une interview au Guardian. Un plombier local habitué du pub, Ronnie Springer, s’est engouffré dans le bâtiment en feu. Il est parvenu à rentrer dans l’appartement verrouillé et à en extraire Vicky et sa cousine, Denise. Springer n’a pas réussi à retourner dans le brasier pour sauver les deux autres cousins de la jeune fille. Ils décèdent ce soir-là et Ronnie Springer succombera à ses brulures quelques semaines plus tard. Vicky, elle, a passé trois mois à l’hôpital où elle a subi plusieurs greffes de peau. Un tiers de son corps a été brulé.

Aujourd’hui, à 23 ans, Vicky est à l’affiche du film Dirty God de Sacha Polak. Elle y incarne une jeune mère aspergée à l’acide par son copain jaloux. Le film prend pour point de départ un fait divers dramatiquement en hausse en Angleterre. Les agressions au liquide corrosif sont, en effet, de plus en plus fréquentes outre-Manche, notamment dans les guerres de gangs. Pour raconter l’histoire de Jade, la réalisatrice néerlandaise ne voulait pas choisir une actrice maquillée mais quelqu’un qui a subi une expérience similaire à celle de son personnage. Pourtant, il a fallu du temps pour que Vicky accepte de se dévoiler à la caméra.

L’enfer, c’est les autres

« J’ai caché mes cicatrices pendant 15 ans et j’ai été traitée de monstre pendant 15 ans », confie-t-elle au Guardian. La jeune femme raconte s’être fait harceler à l’école où les autres enfants se moquaient d’elle. À l’université, une professeure lui propose de faire une petite vidéo pour raconter son histoire. Elle publie donc une courte vidéo sur Facebook et sur YouTube qui deviendra virale. Elle est alors contactée par une société de production londonienne qui dit vouloir réaliser une émission sur les grands brulés. Finalement, il s’agira d’une émission de rencontre appelée Too Ugly for Love (« Trop affreux pour l’amour »). Vicky ne l’apprendra qu’une semaine avant la diffusion.

La cicatrice au cinéma, stéréotype du vilain

Un nom que Vicky Knight a beaucoup entendu durant son enfance est celui de Freddy Krueger. Elle ne peut compter le nombre de fois où ses camarades de classe l’ont comparée au personnage du méchant emblématique du cinéma d’horreur, connu pour son visage complètement brulé. « J’ai grandi en demandant à ma mère pourquoi les gens avec des cicatrices étaient méchants », explique Vicky. En effet, la cicatrice est devenue l’emblème du personnage négatif: Dark Vador, Scar dans Le Roi lion, le Fantôme de l’opéra… Rien que dans la saga James Bond, ils sont cinq méchants à avoir le visage marqué.

C’est suite à cela que l’association britannique Changing Faces a lancé en novembre 2018 la campagne « I Am not Your Villain » (« je ne suis pas ton méchant »). Cette action consistait en un appel dirigé au monde du cinéma pour cesser de représenter le mal grâce aux cicatrices, brulures ou autres marques sur le visage. Le British Film Institute avait d’ailleurs annoncé qu’il ne financerait plus les films perpétuant ce cliché.

« Le film m’a tellement aidée »

Après sa mauvaise expérience télévisuelle, quand Vicky reçoit un message d’une directrice de casting qui lui propose un rôle dans un film, elle choisit de l’ignorer: « Ça a pris une année entière pour qu’elle réussisse à me contacter. Elle était à mes trousses sur tous les réseaux sociaux – et même par mail. » Grâce à ses efforts, la directrice de casting réussit finalement à contacter Vicky et à organiser un rendez-vous.

Avant cette rencontre, Vicky Knight raconte qu’elle n’allait pas bien, ne dormait pas, n’allait pas travailler et avait des envies suicidaires. Le film lui a permis de changer de point de vue sur elle-même: « Je me vois comme un humain maintenant, pas un monstre. J’adore mes cicatrices. » Le film a été sélectionné dans plusieurs festivals et a permis à Vicky de beaucoup voyager. Pour le futur, la jeune femme voudrait continuer à faire du cinéma si les opportunités se présentent à elle.

Sophie Decaestecker

Dirty God de Sacha Polak sort ce mercredi 10 juillet en Belgique.

>> Lire aussi notre interview de la réalisatrice Sacha Polak et notre critique du film.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content