Critique théâtre: Sylvia, icône des combats d’aujourd’hui

© Hubert Amiel
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Sur la musique du quartet d’An Pierlé, le parcours funeste de la poétesse Sylvia Plath se dessine au fil du making of d’un film. Avec Sylvia, Fabrice Murgia signe son spectacle le plus ambitieux à ce jour. Hors du commun, nécessaire et beau à en frissonner.

On l’attendait avec impatience. Il faut dire que c’est une production exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord par l’ampleur de son dispositif: le tournage en direct sur scène d’un film, avec toute la technique apparente sur le modèle des cartons Kiss & Cry et Cold Blood. Sauf que là où les personnages Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey prenaient la taille de mains dans des « nano danses », le spectacle de Fabrice Murgia se fait grandeur nature, avec de vraies personnes évoluant dans d’immenses décors roulants. Et quelles personnes! Il est rare sur nos scènes d’avoir de grandes distributions, mais il n’arrive à peu près jamais d’y retrouver neuf femmes. Par ordre alphabétique: Valérie Bauchau, Clara Bonnet, Solène Cizeron, Vanessa Compagnucci, Vinora Epp, Léone François, Magali Pinglaut, Ariane Rousseau et Scarlet Tummers. Toutes sont Sylvia Plath, poétesse américaine née en 1932, qui lutta toute sa vie non seulement contre des troubles bipolaires, mais aussi pour écrire dans le peu de temps que lui laissaient ses tâches de femme au foyer, mère et épouse au service des autres, et en particulier de son mari Ted Hughes, écrivain lui aussi, « unanimement reconnu comme l’un des plus grands poètes de sa génération« , dixit Wikipédia. Sylvia Plath, vaincue, finit la tête dans le four de sa gazinière, le 11 février 1963. Elle avait 30 ans. En 1982, on lui attribua le Prix Pulitzer pour son anthologie posthume The Collected Poems.

C’est sa vie, devenue emblème américain des luttes féministes, que Fabrice Murgia, par l’intermédiaire de ses comédiennes, tente de retracer. En commençant par la fin. À l’instar du gaz, cette scène inaugurale vous prend directement à la gorge, soutenue par la musique du quartet d’An Pierlé (avec son complice à la scène et à la ville Koen Gisen, Hendrik Lasure aux claviers et Casper Van de Velde aux percussions) qui accompagne en live tout le spectacle.

Ce ballet de décors à roulettes et de comédiennes se passant le relais est filmé en direct par Juliette Van Dormael, la fille de Jaco et projeté directement sur l’écran qui surplombe le tout. Personne ici n’a droit à l’erreur. L’exercice est millimétré. Mais si Sylvia est une prouesse technique, le spectacle exposant ce sombre destin chamboule surtout les entrailles. Au final, on en sort avec espoir, face au chemin déjà parcouru. Entre nous et Sylvia, il y a eu le Summer of Love en 67 et Mai 68. Depuis son suicide, l’avortement a été dépénalisé, les femmes belges ont pu ouvrir un compte sans l’autorisation expresse de leur mari à partir de 1976. Bien sûr, aujourd’hui encore, l’égalité hommes-femmes reste un rêve à conquérir, mais elles sont plusieurs ici sur scène, comédiennes, musicienne, réalisatrice et responsables techniques, à démontrer que femme et artiste ne sont plus des termes contradictoires. Sylvia, si tu pouvais les voir…

Sylvia: du 25 septembre au 12 octobre au Théâtre National à Bruxelles, le 14 mars au Théâtre de La Louvière, le 26 mars au Théâtre Le Manège à Mons, les 25 et 26 avril au Burlaschouwburg à Anvers.

>> À lire également: Dans les pas de Sylvia Plath avec Fabrice Murgia

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