Critique scènes: D’autres anges

Angels in America © Kurt Van der Elst
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Angels in America, deuxième! Après la version de Philippe Saire passée au Théâtre des Martyrs, on a vu au NTGent celle, plus longue et donc plus proche de la pièce originale de Tony Kushner, du collectif Olympique Dramatique, qui sera prochainement au KVS. Attention, ça décoiffe!

L’Histoire est faite de cycles. Il n’est donc pas étonnant que, 30 ans après sa création, Angels in America, pièce se déroulant pendant les années Reagan (qui sont aussi les années sida), nous revienne en plein dans la figure lors du règne de Trump. Dans cette « Fantaisie gay sur des thèmes nationaux » (son sous-titre), Tony Kushner dissèque à travers une poignée de personnages les relations de l’Amérique à ses « minorités »: gays, Blacks, Juifs, Mormons et… femmes. Une fresque ambitieuse, drôle et convoquant l’irréel, en deux parties totalisant en principe de six à sept heures.

Comme nous ne sommes pas en Amérique et que pas mal des détails livrés par Kushner échappent aujourd’hui au public belge, la version d’Olympique Dramatique, collectif en résidence à la Toneelhuis à Anvers et piloté par Tom Dewispelaere et Stijn Van Opstal, est plus courte: quatre heures, entracte comprise. Mais l’ensemble tient la route, sans problème, se permettant même de garder le personnage historique d’Ethel Rosenberg, cette victime de la chasse aux sorcières lancée par le sénateur McCarthy pendant la Guerre froide et qui finit sur la chaise électrique en 1953.

Disons-le franchement : on profitera bien mieux du spectacle si on maîtrise le néerlandais. Difficile en effet de jouir pleinement du jeu des acteurs quand on doit s’accrocher au surtitrage, d’autant plus que le texte est abondant. Il y a en effet largement de quoi se régaler sur cette scène se prolongeant en catwalk dans le public! A commencer par Peter Van Den Begin, véritable star du cinéma flamand (quelques-uns de ses films comme Angle mort, D’Ardennen, King of the Belgians ou La Cinquième Saison ont trouvé un certain écho côté francophone), délectable dans la peau de l’avocat véreux Roy Cohn, avec ses « tût tût trut » bruités sur son téléphone portable à antenne télescopique. La pétillante Tiny Bertels, autre Bekende Vlaming, soutient la comparaison, tour à tour rabbin, mère mormone et fantôme sautant à la marelle et chantant un somptueux kaddish. Le danseur américain Darryl E. Woods, marqué dans son propre corps par les années sida, assure les répliques en VO en infirmier ex-travesti et en agent de voyage littéralement halluciné.

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On citera encore, parmi les moments-phares de la soirée, la rencontre, sur un choeur de soupirs luxurieux, entre l’Ange glam rock (Evelien Bosmans) et son prophète désigné Prior (Lukas Smolders) et l’anthologique diorama du Centre d’Accueil Mormon reconstituant une scène de la conquête de l’Ouest, avec des acteurs devenus automates où figurent aussi les benjamins de la bande, Sanne-Samina Hanssen (émouvante Harper), Tijmen Govaerts (Joe), vu par ailleurs dans le film Girl, et Lukas De Wolf (Louis).

Du théâtre flamand comme on l’aime, percutant, physique et intelligent, qui laisse les derniers mots à l’icône George Michael célébrant la liberté, celle-là même que l’hymne national US place, selon l’infirmier Belize, sur une note si haute que personne ne peut l’atteindre.

Angels in America: du 14 au 17 janvier au KVS à Bruxelles, www.kvs.be

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