Zoe Saldana dans Emilia Perez: “Je me suis lancée dans l’aventure parce que c’était Jacques Audiard”
À Cannes, l’un des meilleurs films -et un des plus étonnants- était sans conteste la comédie musicale de Jacques Audiard Emilia Perez. L’histoire d’un chef de cartel mexicain en transition. Zoe Saldana, une des quatre actrices principales primées, y sort de sa zone de confort.
Elle a joué le lieutenant Uhura dans les nouveaux volets de Star Trek, a donné vie à la super-héroïne à la peau verte Gamora dans Les Gardiens de la galaxie et a incarné -avec l’aide d’une bonne dose d’images de synthèse- la princesse Neytiri de la planète Pandora dans les très populaires Avatar de James Cameron. Mais le rôle le plus remarquable de Zoe Saldana à ce jour est sans aucun doute celui d’une avocate très compréhensive dans Emilia Perez, le dixième long métrage de Jacques Audiard, qui sortira dans les salles belges à la fin du mois d’août.
Dans cette comédie musicale en espagnol, Zoe Saldana incarne une avocate engagée par un chef de cartel, interprété par l’actrice trans espagnole Karla Sofía Gascón. En cavale, ce baron de la drogue lui demande de l’aider à devenir la femme qu’il a toujours voulu être, sous le nom d’Emilia Perez. Selena Gomez incarne l’épouse de ce dernier, qui, même après la transformation de son mari en femme, ne peut s’en détacher.
Sur le papier, un thriller à la Sicario sur un personnage trans où figurent des séquences musicales composées par la chanteuse française Camille et des chorégraphies de notre compatriote Damien Jalet, ça peut sembler légèrement tiré par les cheveux. Mais le résultat est à la fois excitant, fascinant et émouvant. Le jury du festival de Cannes, présidé par Greta Gerwig, était manifestement du même avis: il a non seulement décerné le Prix du jury à Emilia Perez, mais il a aussi récompensé les quatre actrices principales du film du Prix d’interprétation féminine. Dont Zoe Saldana donc, qui est née à Passaic, dans le New Jersey, mais qui parle parfaitement l’espagnol grâce à ses racines portoricaines et dominicaines.
« Lorsque j’ai lu le scénario pour la première fois, ma réaction a également été: un thriller/soap/comédie musicale sur la transidentité, l’amour, le crime et le châtiment ? C’est de la folie ! Après sont venus les arguments qui pouvaient faire en sorte que tout ça puisse effectivement fonctionner: Un prophète, De battre mon cœur s’est arrêté, De rouille et d’os, Dheepan et tous les autres grands films que Jacques avait déjà réalisés. C’est un des réalisateurs avec qui j’ai toujours voulu travailler et c’est la raison pour laquelle je me suis lancée dans cette aventure. »
Vous avez une formation de danseuse, mais le chant était quelque chose de nouveau pour vous…
Zoe Saldana: Le seul endroit où j’avais déjà chanté, c’était sous la douche. Et peut-être que je chantais bien d’ailleurs (rires). J’ai passé l’audition comme les autres. Je devais préparer trois scènes et deux chansons. Je ne savais pas si je pourrais chanter et danser assez bien, mais ce qui m’inquiétait le plus, c’est que je n’étais pas mexicaine. Heureusement, lors de la première audition avec Jacques -qui s’est faite via Zoom, c’était encore pendant la pandémie de Covid-, j’ai tout de suite perçu un bon feeling avec lui. Il m’a laissé une totale liberté, il m’a guidée au fil des scènes et après, j’avais l’impression d’être une grande chanteuse. Jacques peut avoir cet effet magnétique sur les gens.
À 45 ans, apès le succès d’Avatar et des Gardiens de la galaxie, êtes-vous là où vous vouliez être?
Zoe Saldana: Je suis fière de ce que j’ai accompli, et je suis heureuse et reconnaissante de faire partie de l’une des plus grandes franchises cinématographiques de tous les temps. Le problème, c’est qu’on peut se retrouver coincé, parce que les gens pensent qu’on ne maîtrise que ce genre de rôles. Je n’ai que 45 ans et j’ai encore tellement de choses à faire et à découvrir. J’ai encore faim. Je rêve beaucoup et en grand. La taille d’un projet n’a pas d’importance pour moi. Ce qui m’importe, c’est de vivre des expériences enrichissantes. Je veux goûter à des choses différentes, continuer à me développer en tant qu’artiste, et Emilia Perez m’a offert cette opportunité. Ma façon de voir le monde, de mener ma vie et ma carrière, d’élever mes enfants, est également plus proche de films comme celui-ci que d’Hollywood, où je me sens toujours un peu outsider, même après toutes ces années.
Vous n’êtes pas Mexicaine, et Jacques Audiard encore moins. Avez-vous eu peur d’être accusée d’appropriation culturelle?
Zoe Saldana: J’ai vécu pendant 20 ans à Los Angeles, où vivent beaucoup de Mexicains. Je me sens très proche de la culture mexicaine parce que j’ai des amis et de la famille au Mexique. Le film montre la corruption et la criminalité auxquelles le pays est confronté depuis des années. Mais d’une part, ces problèmes sont universels et peuvent également se rencontrer ailleurs. Et d’autre part, ils sont abordés avec empathie et respect. Jacques met en avant la culture mexicaine. Il en montre les couleurs, la chaleur et la beauté, et c’est là que j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice.
Les milieux culturels sont-ils devenus trop sensibles à ce genre de discussion sur la représentation?
Zoe Saldana: Je n’aime pas les étiquettes. Ma profession d’actrice est fluide en termes de genre, d’âge, de race et d’esprit. Par définition. Je dois garder ça à l’esprit afin de pouvoir suivre le parcours nécessaire pour un rôle, sans avoir à porter le poids du monde. Je ne me suis pas engagée dans ce projet parce qu’il s’agissait d’une histoire sur la transidentité. Je voulais participer parce que c’est un film d’Audiard, que je considère comme un grand réalisateur et quelqu’un de généreux, et parce qu’il s’agit de personnes, de leurs rêves, de leurs ambitions, de leurs blessures et de leurs souffrances. Indépendamment de leur sexe, de leur âge ou de leur couleur.
Lorsque j’ai lu le scénario pour la première fois, ma réaction a également été: un thriller/soap/comédie musicale sur la transidentité, l’amour, le crime et le châtiment? C’est de la folie!
Zoe Saldana
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