Tous les coups sont permis: zoom sur le free fight au cinéma

Bloodsport, de Newt Arnold, 1988. Si JCVD y aligne les tours de force de type grand écart en appui sur deux chaises sans devenir stérile, il y botte surtout sévèrement les fesses à des opposants sur-motivés dans un tournoi clandestin d'arts martiaux mixtes à Hong Kong où -c'est d'ailleurs le titre français du film- "tous les coups sont permis", même les plus mortels. © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Arts martiaux mixtes, pencak silat, muay-thaï, combats ultra-violents et clandestins… Les scènes de baston extrême font le bonheur d’un cinéma d’action contemporain particulièrement friand de ces moments paroxystiques qui flirtent avec les limites du corps et de l’esprit.

Chaque semaine de l’été, zoom sur un sport extrême vu à travers ses déclinaisons au cinéma.

Sport de combat complet associant pugilat et lutte au corps à corps, debout ou au sol, où sont autorisés coups de pieds, de poings, de genoux et de coudes, le MMA (pour Mixed Martial Arts) est au fond un peu aux arts martiaux et aux sports de combat ce que le décathlon est à l’athlétisme: un grand mix herculéen. Invention récente dont les racines plongent dans des pratiques plus anciennes, il fait polémique et divise. Interdit dans plusieurs pays, il soulève l’enthousiasme populaire de par sa brutalité et son sens du spectaculaire. Logique, dès lors, que le cinéma d’action, essentiellement américain, lui fasse de plus en plus les yeux doux -plutôt durs, au beurre noir ou maculés de sang, en l’occurrence. De l’efficace franchise de série B Never Back Down à un Warrior archétypal au casting enlevé (Tom Hardy, Joel Edgerton, Nick Nolte), en passant par les bien nommés Blood and Bone (Ben Ramsey, 2009), Circle of Pain (Daniel Zirilli, 2010) ou encore Gladiators (Jason Connery, 2012), et même un Fight Valley (Rob Hawk, 2016) se déclinant au féminin pluriel, les films sur le sujet n’en finissent plus d’essaimer. Avec une réussite artistique très variable à la clé… Musclés, intenses, ils jouent souvent la carte du divertissement tendu et rugueux gonflé à la testostérone et aux shots d’adrénaline corsés, mais à l’écriture très stéréotypée et à l’ambition cinématographique limitée.

Mais ce que cet attrait grandissant des films de sport ou de baston pour les arts martiaux mixtes symbolise, c’est avant tout leur goût pour le vertige, ces moments de pure physicalité où tout peut basculer. Et cela, bien au-delà de la sphère du seul MMA. Pencak silat, muay-thaï, vale tudo, BJW (Big Japan Pro Wrestling) et leurs dérivés… Les sports de combat extrêmes touchent à quelque chose de l’essence même du cinéma d’action, friand de soufre, de surenchère et de surprise. Voire même, pour le coup, de malaise. En se construisant autour de personnages poussés dans leurs derniers retranchements, en équilibre plus que fragile entre le licite et l’illicite, la vie et la mort, ces films entendent sonder la possibilité de dépasser les/ses limites. Outrepasser les règles, flirter avec les interdits, mais aussi exploser les limitations assignées par le corps. Jusqu’à la transe? Comme dans le soufflant A Prayer Before Dawn de Jean- Stéphane Sauvaire, expérience jusqu’au- boutiste qui tabasse autant qu’elle transcende et développe l’idée d’une véritable mystique de l’ultra-violence. À moins que cette dernière ne fasse office de catharsis quasiment politique. C’était au fond déjà tout le propos de l’emblématique Fight Club de David Fincher, non-film de sport où les dégelées sanglantes mais joyeusement consenties offraient à ses protagonistes l’échappatoire ultime au mal-être rampant garanti par l’époque. Se castagner pour se sentir vivre? Une certaine idée de la liberté.

Fight Club, de David Fincher, 1999. Construit autour de l'idée d'une ultra-violence rédemptrice, le classique de Fincher fête ses 20 ans cette année. En secret, un club de mecs s'y amuse à se mettre joyeusement sur la tronche pour échapper à l'aliénation sociale galopante.
Fight Club, de David Fincher, 1999. Construit autour de l’idée d’une ultra-violence rédemptrice, le classique de Fincher fête ses 20 ans cette année. En secret, un club de mecs s’y amuse à se mettre joyeusement sur la tronche pour échapper à l’aliénation sociale galopante. « Ce sang, c’est le vôtre? »
Never Back Down, de Jeff Wadlow, 2008. Teen movie noyauté autour d'un tournoi de franche bastonnade, Never Back Down évoque dans l'esprit les films de sport des années 80 -son héros ressemble d'ailleurs parfois à s'y méprendre à un certain Tom Cruise. Deux suites ont vu le jour.
Never Back Down, de Jeff Wadlow, 2008. Teen movie noyauté autour d’un tournoi de franche bastonnade, Never Back Down évoque dans l’esprit les films de sport des années 80 -son héros ressemble d’ailleurs parfois à s’y méprendre à un certain Tom Cruise. Deux suites ont vu le jour.
Warrior, de Gavin O'Connor, 2011. Si Never Back Down est le Karaté Kid du MMA, Warrior en est incontestablement le Rocky. Sur fond de rivalité fraternelle, tous les clichés du genre y passent. Un peu facile, même si les archétypes ont parfois du bon.
Warrior, de Gavin O’Connor, 2011. Si Never Back Down est le Karaté Kid du MMA, Warrior en est incontestablement le Rocky. Sur fond de rivalité fraternelle, tous les clichés du genre y passent. Un peu facile, même si les archétypes ont parfois du bon.
A Prayer Before Dawn, de Jean-Stéphane Sauvaire, 2018. À côté du MMA et du pencak silat, le muay-thaï (boxe thaï) se taille une place de choix parmi les sports de combat extrêmes. Cette expérience immersive viscérale en traduit aussi bien la violence ultra que la dimension mystique.
A Prayer Before Dawn, de Jean-Stéphane Sauvaire, 2018. À côté du MMA et du pencak silat, le muay-thaï (boxe thaï) se taille une place de choix parmi les sports de combat extrêmes. Cette expérience immersive viscérale en traduit aussi bien la violence ultra que la dimension mystique.
Brüno, de Larry Charles, 2009. À la fin de ce faux docu rigolard où il mouille le maillot, Sacha Baron Cohen se paie la tête des amateurs les plus décérébrés et homophobes de MMA en roulant des énormes galoches à un spectateur à l'intérieur même de la cage grillagée. Ambiance.
Brüno, de Larry Charles, 2009. À la fin de ce faux docu rigolard où il mouille le maillot, Sacha Baron Cohen se paie la tête des amateurs les plus décérébrés et homophobes de MMA en roulant des énormes galoches à un spectateur à l’intérieur même de la cage grillagée. Ambiance.
The Raid, de Gareth Evans, 2011. Prenant place à l'intérieur d'un immeuble réputé imprenable, cette bourrinade décomplexée sort d'abord l'artillerie lourde, se prolonge à l'arme blanche mais se joue surtout en corps à corps extrêmes aux chorégraphies hallucinées dérivées du pencak silat, art martial indonésien caractérisé par des frappes rapides et puissantes. Mais pourquoi sont-ils si méchants?
The Raid, de Gareth Evans, 2011. Prenant place à l’intérieur d’un immeuble réputé imprenable, cette bourrinade décomplexée sort d’abord l’artillerie lourde, se prolonge à l’arme blanche mais se joue surtout en corps à corps extrêmes aux chorégraphies hallucinées dérivées du pencak silat, art martial indonésien caractérisé par des frappes rapides et puissantes. Mais pourquoi sont-ils si méchants?

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