Critique | Cinéma

« Temps mort »: chronique sensible de trois détenus en permission

3,8 / 5
© kwassa films
3,8 / 5

Titre - Temps morts

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Ève Duchemin

Casting - Karim Leklou, Issaka Sawadogo, Jarod Cousyns.

Sortie - En salle le 19 avril 2023

Durée - 1 h 58

Dans Temps morts, la documentariste Ève Duchemin passe à la fiction pour suivre le parcours de trois détenus en permission. Un drame plein d’humanité.

Temps mort débute quelques heures avant une permission, dans le bruit de la prison, où les cris suintent la détresse, où les solitudes se cognent aux murs des cellules. Des vies étouffées comme les hurlements des détenus contenus derrière les portes blindées, dans le monde fermé de la prison, comme une apnée interminable en attendant de refaire surface, dehors. C’est justement dehors que vont Hamousin, Anthony et Colin ce week-end. Là que les attendent, ou pas, pour 48 heures de permission, leurs familles déchirées par des sentiments contradictoires. Mais que peuvent-ils encore se permettre, ces trois hommes réduits pour beaucoup à leurs numéros d’écrou?

Hamousin arrive à la fin d’une longue peine. Il a un week-end pour signer un contrat de travail, sésame obligatoire pour rendre possible sa sortie définitive. On le suit sur les lieux de sa possible réinsertion, on mesure la profondeur de sa dette, et celle de sa solitude. Il a un week-end, peut-être, pour renouer les liens familiaux qu’il a rompus en entrant en prison. Anthony a encore quelques années à tirer, assommé par une camisole chimique qui éteint le feu de ses pulsions destructrices. Accueilli par sa grande famille, dont on ressent les blessures et les hésitations, il voit la vie qui lui échappe, qui se déroule sans lui, son fils qui grandit, se construit auprès d’autres modèles, ses parents qui investissent d’autres filiations, qui le couvent autant qu’ils le craignent. Comment va-t-il pouvoir trouver sa place, à défaut de l’avoir gardée? Colin, enfin, a laissé derrière lui une bonne part de son insouciance adolescente en entrant en prison. Alors qu’il voudrait, le temps d’un week-end, redevenir celui qu’il était avant, un fils et un frère qu’on encourage, qu’on engueule et qu’on félicite, sa mère et sa sœur l’accueillent avec réticence, arquées dans leurs retranchements. Pour renouer avec celui qu’il était, il rejoint des amis qui ne lui veulent pas forcément du bien.

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Redevenir humains

Si la prison n’apparaît que dans les toutes premières minutes du film, elle est présente, sans cesse, dans les esprits des détenus, perdus dès lors qu’ils ne sont plus contenus, ni leurs corps ni leurs émotions, quand ils approchent du point de rupture où cèdent les digues. Temps mort montre comment la prison frustre les corps et crée le manque, comment elle impacte aussi les familles, qui naviguent entre l’amour et la gêne, le ressentiment, la honte, la bonté et un soutien souvent indéfectible malgré tout. Les détenus, accablés par le poids de leur crime, et la dette qu’ils ont contractée vis-à-vis de leurs proches et de la société, déshumanisés par une institution carcérale qui laisse des traces, vont devoir apprendre à rétablir le dialogue, social et familial, qui seul peut leur laisser entrevoir une possible rédemption.

La grande force du film, de l’écriture et de la réalisation d’Ève Duchemin, dont Temps mort est le première fiction, est de faire en sorte que sous la carapace des détenus surgissent les hommes, leurs détresses, leurs blessures, leurs frustrations. Et de nous permettre de partager avec eux leur combat pour retrouver celui qu’ils étaient, dans la vie d’avant, avant d’être renvoyés à leurs crimes.

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