Star Wars-Lord of the Rings: le choc des titans

© New Line Productions, Inc. / Lucasfilm Ltd & TM

Les intégrales en Blu-ray des 2 sagas cultes sortent à peu d’intervalle. Deux univers, 2 triomphes créatifs et publics qui entretiennent plus d’un point commun. Décryptage.

La parution simultanée des intégrales en Blu-ray de Star Wars et de Lord Of The Rings réunit 2 des plus formidables sagas cinématographiques jamais réalisées. Deux des plus populaires, aussi, et donc des plus rentables, un élément qui explique en partie le nombre d’éditions successives et de versions allongées qui fleurirent avant cette double édition qu’on nous annonce définitive… Deux tours de force cinématographiques, incontestablement, que leur « patron » respectif a eu le souci de faire vivre sur DVD, puis aujourd’hui Blu-ray, sous des formes adaptées à ces supports digitaux. Réalisateur de la trilogie Lord Of The Rings, Peter Jackson a largement augmenté la durée des films dans leur version longue (plusieurs dizaines de minutes chaque fois), enrichissant un spectacle que les contingences de l’exploitation commerciale en salles avaient initialement tenu à respecter un minutage « raisonnable ». George Lucas, maître absolu de la série des Star Wars (même s’il n’en a réalisé lui-même que 4 sur 6), a poussé les choses bien plus loin encore. Non content de rallonger -un peu- les films lors de leur parution au format DVD ou Blu-ray, il les a retravaillés, multipliant les « corrections », enlevant et ajoutant des éléments dans certains plans, certaines scènes. Et ce au gré de son désir et surtout d’une évolution technologique lui permettant de concrétiser des idées originales que le manque de moyens, financiers mais surtout techniques, l’avait empêché de réaliser à l’époque. La saga devenant une sorte de « work in progress » permanent, que son auteur n’a pas explicitement promis de ne plus modifier à l’avenir… De quoi parfois dérouter, et même diviser, les fans, et de poser Lucas l’ancien (67 ans) en expérimentateur face à un cadet (Jackson aura 50 ans en octobre) finalement plus fidèle à la tradition (une version pour la sortie en salle, une version longue pour DVD, point final).

Deux mondes, 2 genres

Plusieurs différences criantes séparent, sans les opposer, les 2 sagas. Lord Of The Rings adapte une oeuvre littéraire majeure (signée J.R.R. Tolkien), Star Wars est issu du cerveau de son réalisateur-producteur-scénariste. Surtout, la première série s’inscrit dans le genre fantastique, la seconde dans celui de la science-fiction. Lord Of The Rings s’aventurant par ailleurs volontiers aux confins de l’horreur, Star Wars ne s’en approchant que très rarement, et sur la pointe des pieds. De quoi faire dire à Peter Jackson que l’âge de 10 ans lui semble judicieux pour découvrir sa trilogie, alors que George Lucas estime son sextuple opus accessible dès l’âge de 6 ou 7 ans…

En commun, les 2 entreprises ont d’avoir créé un monde. Certes on a vu d’autres films d’heroic fantasy, d’autres tranches de space opera, mais tant Lord Of The Rings que Star Wars proposent au spectateur d’entrer dans un univers unique, et d’une singulière richesse. Celui de Jackson peut avoir des qualités organiques, là où celui de Lucas reste relativement aseptisé. Mais l’un comme l’autre nous invitent dans une réalité autre, obéissant à ses propres lois et bâtissant sa propre mythologie. Leur impact sur l’imaginaire collectif, leur place dans la culture populaire, doivent beaucoup à cette architecture ambitieuse, s’inscrivant en droite ligne -même si peut-être de manière inconsciente- dans l’héritage des anciens récits mythiques. Des spécialistes n’ont-ils pas décelé dans Star Wars l’influence de la geste arthurienne des Chevaliers de la Table ronde et celle du mythe grec d’OEdipe? Les 2 sagas se posent aussi, évidemment, en illustration de l’éternel combat du Bien contre le Mal. Avec, tout aussi logiquement, des accents manichéens quand de jeunes et naïfs Hobbits sont livrés par exemple aux appétits cannibales d’Orcs répugnants, ou que l’Empire envoie ses sicaires exterminer les Jedi. Mais avec aussi de fécondes ambiguïtés quand Anakin Skywalker subit la tentation du côté obscur de la Force pour devenir Darth Vader, ou quand le brave Sméagol se transforme en Gollum sous l’effet corrupteur de l’Anneau tant convoité. La fascination profonde qu’exercent, par-delà leur action trépidante, Star Wars et Lord Of The Rings ne saurait s’expliquer sans cette ambivalence qui renvoie chaque spectateur à ses propres fragilités, et à l’importance des choix qu’il est lui-même obligé de poser.

Si Lord Of The Rings est bel et bien une saga populaire, déclenchant chez ses inconditionnels la collectionnite de produits dérivés généralement haut de gamme, Star Wars éveille une passion incomparable, qu’alimente un merchandising plus abondant, plus accessible. La saga de Lucas attire aussi, et spectaculairement, les amateurs de « cosplay » se déguisant et interprétant des personnages, généralement lors de manifestations telles des conventions, où les acteurs des films sont conviés. A Londres, Jeremy Bullock, qui joue Boba Fett dans les épisodes III, V et VI, raconte comment il a récemment vu pleurer à chaudes larmes un garçon à qui il venait de dire, modeste, que n’importe qui aurait pu jouer le rôle, brisant ainsi l’élan d’émotion que ressentait le gamin en sa présence… Trois générations après le premier film de la saga, l’anecdote confirme le phénomène à nul autre pareil qui s’est développé autour de la création de Lucas. Et qu’aucune autre, pas même celle d’Harry Potter, ne saurait approcher.

Louis Danvers

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