Sorties ciné: Vincent Lindon et Michael Keaton en pères dépassés, un thriller horrifique raté et des Mousquetaires au féminin

Vincent Lindon incarne un père en proie à l’incompréhension dans Jouer avec le feu
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Jouer avec le feu avec Vincent Lindon, Goodrich avec Michael Keaton, un film iranien enthousiasmant, un thriller horrifique de l’équipe derrière Barbarian, des femmes Mousquetaires et un Strip Tease intégral: voici le copieux menu ciné de la semaine.

Jouer avec le feu

Drame de Delphine et Muriel Coulin. Avec Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon. 1h58.

3/5

Frangines originaires de Lorient, en Bretagne, Delphine et Muriel Coulin s’étaient signalées dès 2011 et 17 filles, premier long métrage commun qui s’emparait d’un étonnant fait divers américain pour s’intéresser à un groupe de jeunes femmes trompant l’ennui en nourrissant des rêves de maternité et de vivre-ensemble. Ou quand l’utopie adolescente butait sur la rugosité d’un réel aux perspectives d’avenir désespérément bouchées. Cinq ans plus tard, Voir du pays, toujours réalisé en tandem, les voyait s’inviter dans un sas de décompression par lequel transitent les militaires de l’armée française revenant d’opérations sur le terrain afin de dessiner le portrait sensible de deux soldates à l’horizon incertain hantées par la violence et les traumatismes de la guerre.

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A ces deux œuvres résolument conjuguées au féminin pluriel succède aujourd’hui un troisième long métrage de fiction, Jouer avec le feu, qui se concentre cette fois quasi exclusivement sur des personnages masculins. Adapté du roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin (La Manufacture de livres, 2020), le film se structure autour de Pierre (Vincent Lindon), un père cheminot, concerné et aimant, qui élève seul ses deux fils dans la région de Metz. Il entretient avec eux une relation complice, mais assiste bientôt, impuissant, à la dérive de l’aîné, Fus (Benjamin Voisin). Fasciné par la violence et les rapports de force, ce dernier se rapproche en effet de groupes d’extrême droite, sous l’influence néfaste de fréquentations peu recommandables. Peu à peu, l’amour de Pierre cède la place à l’incompréhension…

Il y a indéniablement quelque chose de l’ordre de la parabole du fils prodigue dans Jouer avec le feu. Sauf que le film, en prise sur une réalité sociale sinistrée ouvrant grand la porte aux tentations idéologiques piégeuses, n’a pas forcément de rédemption ni de repentance à offrir. Récit douloureux d’un inexorable dévoiement, il résonne non sans pertinence avec les inquiétudes et les périls de notre époque. En ce sens, sur le fond, rien à redire, le troisième long métrage fictionnel des sœurs Coulin brûle d’un feu d’une ultramoderne urgence.

Sur la forme, hélas, l’objet, qui cherche en permanence une espèce de physicalité et un naturel un peu forcé, convainc moins. Film à thème, voire à message, il ne peut s’empêcher de marteler les bonnes valeurs qui l’animent, et apparaît de ce fait clairement trop didactique et démonstratif. A l’image de Vincent Lindon, pourtant récompensé de la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la dernière Mostra de Venise pour ce rôle, qui, drapé dans sa probité et sa noble vertu, surjoue un peu le père blessé et trahi sur fond de petite leçon aux accents moralisateurs.

Goodrich

Comédie dramatique de Hallie Meyers-Shyer. Avec Michael Keaton, Mila Kunis, Michael Urie. 1h51.

3/5

Par ses prémices, Goodrich rappelle d’abord une situation à la Kramer contre Kramer (1979), avant que le film ne privilégie la voie d’une comédie plutôt feelgood aux accents gentiment initiatiques. Réalisé par Hallie Meyers-Shyer, la fille des cinéastes Charles Shyer (Baby Boom avec Diane Keaton, Le Père de la mariée avec Steve Martin) et Nancy Meyers (Ce que veulent les femmes avec Mel Gibson et Helen Hunt, The Holiday avec Cameron Diaz et Jude Law), il cueille Andy Goodrich (Michael Keaton), propriétaire vieillissant d’une galerie d’art de Los Angeles, au moment où sa deuxième épouse lui apprend qu’elle s’apprête à séjourner durant 90 jours dans un centre de désintoxication.

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Complètement pris de court par cette nouvelle, il se retrouve seul pour s’occuper de ses jumeaux de 9 ans tout en tentant de sauver son business en difficulté. Il va alors chercher de l’aide auprès de sa fille adulte, Grace (Mila Kunis), issue d’un premier mariage, qu’il a beaucoup délaissée quand elle était môme et qui attend désormais elle-même son premier enfant… Parti sur des bases très prometteuses, le film, qui travaille avec beaucoup d’humanité la question des liens du sang et de la transmission, connaît ensuite une baisse de régime où il enchaîne quelques séquences plus anodines et de très dispensables petites leçons de vie aux accents sentimentalistes. Mais l’ensemble vibre d’une chouette énergie aux échos universels. Tout en nuance et en sobriété, Michael Keaton, plutôt en verve en ce moment (voir les récents Knox Goes Away et Beetlejuice Beetlejuice), compose par petites touches un beau personnage ouvert au changement et à la remise en question. A ses côtés, Andie MacDowell fait une apparition trop brève mais émouvante.

My Favourite Cake

Comédie dramatique de Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha. Avec Lili Farhadpour, Esmaeel Mehrabi, Mansoore Ilkhani. 1h37.

4/5

Mahin, 70 ans, vit seule à Téhéran. Le soir, elle regarde des comédies romantiques la larme à l’œil. La journée, elle invite ses copines à déjeuner, des veuves guillerettes qui s’amusent de leur dernière coloscopie. Mais ces joies passagères ne compensent pas la solitude qui leste tous ses gestes. Après une altercation avec la police des mœurs, elle décide de prendre son destin en main, et accoste Faramarz, un chauffeur de taxi, célibataire comme elle. Ensemble, ils passent une soirée hors du temps.

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La vieille femme prend un risque en invitant un homme chez elle, elle oppose au régime un ultime acte de résistance: la possibilité de l’amour. Dans le nid de Mahin, leurs corps sortent de leur hibernation, retrouvent leurs élans mais aussi leurs pudeurs. Et formulent à demi-mot un rassurant serment: «Je te promets que tu ne mourras pas seul.» Mon gâteau préféré dresse le portrait drôlement émouvant d’une héroïne inattendue, à l’intrépidité aussi sereine que vivifiante. Dans le secret de la nuit, l’ombre du jour n’est jamais loin, mais avant que le rideau ne tombe reste imprimée sur la rétine la dernière danse de Mahin et Farmatarz, sûrement la plus joyeuse que vous verrez cette année.

Companion

Thriller horrifique de Drew Hancock. Avec Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage. 1 h 37.

2/5

L’équipe derrière Barbarian, récent buzz horrifique sur Netflix, est à la production de ce petit film de genre américain lorgnant clairement, dans ses intentions, du côté de la série Black Mirror. Iris (Sophie Thatcher, vue il y a peu face à Hugh Grant dans Heretic), une jeune femme mal assurée, y est invitée à passer un week-end de rêve dans l’immense propriété isolée occupée par des connaissances de son nouvel amoureux, Josh (Jack Quaid, fils de Meg Ryan et Dennis Quaid).

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Très vite, les choses dégénèrent assez violemment, ce qui amène Iris à découvrir un glaçant secret sur elle-même et sur les raisons de sa présence en ces lieux… D’une subtilité toute relative, cet objet pop au cynisme très calculé, et aux twists un peu grossiers, cherche constamment le malaise sous la perfection lissée mais ne trouve bien souvent qu’une espèce de petite roublardise vaguement efficace. Son humour faussement impertinent manque de mordant, et l’ensemble ne parvient jamais vraiment à dépasser le stade de l’anecdote gentiment consommable.

N.C.

Toutes pour une

Comédie d’aventure de Houda Benyamina. Avec Oulaya Amamra, Sabrina Ouazani, Déborah Lukumuena. 1h40

2/5

C’est peu dire qu’on attendait le retour au cinéma d’Houda Benyamina, Caméra d’Or en 2016 pour l’explosif Divines. C’est chose faite avec Toutes pour une, relecture transgressive des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Transgressive sur le papier, car sur le grand écran, on peine à adhérer au parti pris de la cinéaste: et si les mousquetaires étaient en fait des femmes travesties en hommes, habitées par une mission, rendre à la Reine de France son honneur –sans qu’on comprenne jamais vraiment l’urgence de leur motivation?

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On imagine l’objet pop et culte qu’aurait pu devenir le film, alternative bienvenue aux succès récents du cinéma français qui fleurent bon la testostérone, servi par un quatuor d’actrices flamboyantes, mais dont le grimage flottant semble perturber le jeu. Cette hésitation contamine le ton du film, visiblement tenté par la parodie, le pamphlet et l’aventure épique, mais dont l’humour patine souvent et alourdit une chevauchée qu’on aurait rêvée frondeuse et exaltante.

Strip Tease intégral

Documentaire de Jean Libon, Clémentine Bisiaux, Régine Dubois, Stéphanie De Smedt, Mathilde Blanc et Yves Hinant. 1h29.

2/5

Strip Tease célèbre cette année ses 40 ans. A cette occasion sort en salles Strip Tease intégral, compilation de cinq inédits. Les quatre premiers films convoquent l’esprit du programme pour explorer des phénomènes en prise avec notre contemporéanité. Des influenceuses dubaïotes à la néo-prêtresse du zéro déchet, réactualisation de la figure de la mère au foyer catho, en passant par l’hypocondriaque qui vit avec une (vraie) malade et la stand-uppeuse quinqua qui découvre les désillusions de la scène, ce sont autant de petites gens, lointains cousins de ceux qui ont fait la gloire de l’émission, sauf qu’ils sont ici disséqués par un regard surplombant plus qu’observés avec tendresse.

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Si le choix de la fragmentation (contrairement aux premiers opus cinéma, Ni juge, ni soumise et Poulet frites) interroge quant à la nécessité du grand écran, le dernier segment, Bidoche, pose un geste de cinéma radical, illustrant avec une frontalité dérangeante l’ambition de Strip Tease d’autopsier nos sociétés malades.

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