Critique | Cinéma

Sofie Gråbøl dans « Rose »: « J’avais peur d’en faire trop »

2,5 / 5
Sofie Gråbøl: “Sur le tournage, nous faisions souvent plusieurs prises, où je variais l’intensité de mon jeu. Mais, au montage, Niels a fini par garder toutes celles où on avait peur que j’en fasse de trop.” © National
2,5 / 5

Titre - Rose

Genre - Comédie dramatique

Réalisateur-trice - Niels Arden Oplev

Casting - Sofie Gråbøl, Lene Maria Christensen, Anders W. Berthelsen

Sortie - En salles le 29 mars 2023

Durée - 1 h 46

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Géniale actrice star de la série danoise The Killing, Sofie Gråbøl démontre à nouveau toute l’étendue de son talent dans Rose de Niels Arden Oplev, film inspiré par les problèmes de santé mentale de la sœur du réalisateur.

Impossible d’oublier les fameux pulls en laine à motifs qu’elle arborait stoïquement, de 2007 à 2012, dans The Killing (Forbrydelsen pour la version danoise), fascinante série policière scandinave où elle campait avec une froide détermination l’obsessionnelle enquêtrice Sarah Lund. Depuis, on l’a notamment vue dans l’efficace série britannique Fortitude, en victime expiatoire de Matt Dillon au cinéma dans The House That Jack Built de Lars von Trier et tout récemment encore aux côtés de Nicole Kidman et Hugh Grant dans la minisérie américaine The Undoing… Comédienne née à la fin des années 60 à Frederiksberg, municipalité enclavée au sein de Copenhague, Sofie Gråbøl est aujourd’hui l’argument massue de Rose, le nouveau long métrage du Danois Niels Arden Oplev, à qui l’on doit notamment le film Millénium avec Noomi Rapace (2009). Gros succès au Danemark, cette très bienveillante comédie dramatique s’inspire des problèmes de santé mentale de la sœur du réalisateur.

Situant son action à l’automne 1997, peu après la mort tragique de Lady Di, le film épouse le parcours d’un groupe de touristes danois venus en autocar passer quelques jours à Paris. Parmi eux, deux sœurs, Inger et Ellen, dont la relation va être mise à rude épreuve durant le séjour. Atteinte de schizophrénie, Inger (Sofie Gråbøl) reste en effet assez imprévisible, apparaissant à la fois fragile et sans filtre, capable aussi bien de se mettre dans tous ses états à cause de la mort d’un hérisson sur le bord de la route que de parler crûment de sexe devant un enfant. Peu à peu, on comprend également qu’Inger a quelque chose derrière la tête et qu’elle cherche à réactiver le souvenir enfoui de son passé à Paris, quand on la surnommait encore Rose…

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Rencontrée en marge du récent Festival du Film d’Ostende, d’où Rose allait repartir auréolé du Prix du public, Sofie Gråbøl raconte: “Avec Niels, on se connaissait déjà un peu, nous avions brièvement collaboré sur une série il y a très longtemps. J’aime son travail. Tout simplement parce qu’il cherche toujours à raconter des histoires aussi profondes qu’accessibles. Il n’a pas peur des grandes émotions, disons. Sur le tournage de Rose, j’avais besoin d’un réalisateur en qui je pouvais avoir une confiance totale. Ce n’est pas un rôle facile. Nous avons beaucoup cherché ensemble la manière la plus adéquate d’aborder ce personnage. Le film balance en permanence sur un fil fragile entre une certaine légèreté et la gravité de sa condition. Et puis il y avait une vraie responsabilité à redonner vie à des événements bien réels. La sœur de Niels est allée à Paris et a réellement vécu tout ce que vous voyez dans le film. Simplement, le scénario condense une série d’événements disparates sur quelques jours. J’ai commencé à travailler en 1985, quand j’avais seulement 17 ans, mais c’était la toute première fois de ma carrière que je me retrouvais à jouer quelqu’un d’encore vivant, que je pouvais rencontrer. C’était un vrai challenge d’interpréter ce rôle et un véritable privilège de pouvoir incarner quelqu’un qui n’est pas limité par toutes les conventions et tous les filtres avec lesquels nous nous débattons tous au quotidien.

“Un diagnostic ne se joue pas”

Alourdi par des brouettes de bons sentiments et un certain nombre de facilités, le film prend, hélas, trop souvent la forme d’une simple visite façon dépliant touristique de la ville de Paris au son de Jacques Brel et d’Édith Piaf. C’est la finesse de l’interprétation de Sofie Gråbøl, et l’intelligence de son approche, qui le sauvent, au fond, de l’insignifiance. “Ça a été un très long processus pour moi. Après avoir lu le scénario du film, j’ai d’abord fait beaucoup de recherches sur la schizophrénie. J’ai lu et visionné un certain nombre de choses. Et puis j’ai fini par réaliser que ça ne suffirait pas. Parce qu’un diagnostic ne se joue pas. Ce que vous jouez, à l’arrivée, c’est une véritable personne, pas des données sur un morceau de papier. D’autant que la maladie mentale couvre un spectre très large de comportements et de symptômes, et que Rose n’est pas un film à thème. Il s’agit moins d’un film sur la schizophrénie, en effet, que d’un film sur une personne bien spécifique, à laquelle il s’agissait de donner vie de la manière la plus authentique.

Et la comédienne d’aller alors à la rencontre de celle qui avait inspiré l’écriture du scénario et de son personnage. “La sœur de Niels possède une personnalité très forte, c’est quelqu’un avec qui il est très agréable de passer du temps. Elle est intelligente et spirituelle. Elle a une façon très particulière de parler et de se mouvoir. J’ai pas mal traîné avec elle. Elle a joué du piano pour moi et je lui ai demandé l’autorisation de la filmer. Mais quand je suis rentrée chez moi, j’étais complètement paralysée. Je ressentais beaucoup de pression et de responsabilité. J’avais peur d’en faire trop, de n’être qu’une parodie de cette personne si riche et si nuancée. Je craignais également de faire de la maladie mentale une espèce de mignonnerie. Mais, peu à peu, je me suis plongée dans les vidéos que j’avais faites et je me suis autorisée à me laisser imprégner au maximum par la gestuelle, le débit et la personnalité de la sœur de Niels. Et là, les choses ont commencé à résonner de manière authentique. Quand elle a découvert le film, elle est venue me voir et elle m’a dit: “J’ai vu que tu m’avais volé beaucoup de choses.” Puis elle s’est fendue d’un grand sourire. Elle était ravie.

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